«La lutte contre la fraude et les abus» est considérée «comme une priorité». JEFF PACHOUD/AFP
Le constat est sans appel. Dans un document de plus de 200 pages remis ce mardi au gouvernement, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dresse un état des lieux précis - et inquiétant - du fonctionnement de l’Aide médicale d’État (AME). Ce dispositif - qui permet à tout étranger résidant sur le sol français de manière irrégulière depuis plus de trois mois d’être soigné gratuitement -, est d’abord décrit comme l’un des systèmes «les plus généreux d’Europe». Fin 2018, il concernait «318.106 étrangers en situation irrégulière, dont la moitié vit en Île-de-France et les deux tiers viennent d’Afrique». Parmi eux, « les Algériens sont la nationalité la plus représentée ». Le tout pour un coût total de 904 millions d’euros en 2018, un chiffre en hausse de +1,4% par an depuis 5 ans.
« Migration pour soins »
Au-delà de ces éléments statistiques, le rapport affirme avoir par ailleurs analysé les données de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), qui « permettent également de détecter des atypies». «Les atypies les plus nettes concernent les accouchements, l’insuffisance rénale chronique, les cancers et les maladies du sang ; elles renforcent de façon convaincante l’hypothèse d’une migration pour soins qui n’est clairement pas un phénomène marginal, énumère le rapport. Le rythme de croissance des séances d’hémodialyse, chimiothérapies, et radiothérapies, est particulièrement élevé (plus de 10% pour les bénéficiaires de l’AME). Il peut poser la question de la capacité actuelle du système de soins, et en particulier des centres lourds de dialyse, à assurer l’accueil de ces patients».
» ENQUÊTE - Aide médicale d’État: scandales en série à l’hôpital public
Tous ces éléments conduisent les auteurs du rapport à considérer «comme une priorité la lutte contre la fraude et les abus, qui fragilisent l’acceptabilité du dispositif et mettent en tension le système de santé». Pour ce faire, le rapport «recommande plusieurs évolutions du dispositif» pour «lutter de façon visible et volontaire contre la fraude à l’Aide médicale d’État». Il est notamment proposé d’«empêcher l’octroi de visas aux “touristes médicaux”». Cependant, contrairement à ce qu’Emmanuel Macron avait esquissé il y a quelques semaines, l’IGAS considère qu’«une réduction du panier de soins de l’AME paraît peu pertinente, y compris dans une perspective de diminution de la dépense publique».
» À voir aussi- Comment fonctionne l’AME pour les étrangers en situation irrégulière
La liberté d'expression de qui, au juste ?
Il y a plus près de cinq ans, devant un attentat sans précédent mené par un commando islamiste contre la direction de Charlie hebdo, les français répondirent par une manifestation historique en clamant leur attachement à la liberté d’expression. Ils voulurent faire savoir au monde que la France plaçait plus haut que tout le droit de questionner toutes les croyances et philosophies, quelques qu elles soit. C’était l’esprit Charlie postulant que la raison n'a à se soumettre à aucun à aucun dogme, quel qu’il soit.
Aux fils des ans, plusieurs survivants de l'attentat ont senti le besoin de témoigner pour comprendre les événements. Aujourd’hui c’est au tour de Riss d’y dans une minute quarante-neuf secondes. Lors d’entretiens, sans fausse sérénité, il a dénoncé ceux qui ne purent s’empêcher de voir dans le sursaut français une forme d’islamophobie ne disant pas son nom. La France manifestante ne réclamait rien d’autre, apparemment, que son droit de persécuter les musulmans. Convenons-en : ils furent assez nombreux à défendre cette thèse qui n’était qui n’était pas sans lien avec une sociologie militante qui transforme les agresseurs en victimes, pour peu qu’ils appartiennent à une minorité. Près de cinq ans plus tard, l’esprit de Charlie ne se porte pas tres bien.
La censure reprend ses droits. La peur y est assurément pour quelque chose. Qui pense mal peut le payer de sa vie. Mais elle n'explique pas tout. C'est d'abord celle exercée par le régime diversitaire contre ceux qui ne reprennent pas avec enthousiasme le récit enchanté que notre époque donne d'elle-même. C'est la tentation pénalitaire du progressisme contemporain. Il lui suffit de nommer extrême droite ou populisme ce qui le révulse pour se permettre de vomir sans gêne ses adversaires et d'en appeler à leur expulsion du débat public.
Le politiquement correct se judiciarise. On l'a vu il y a quelques mois encore avec la loi Avia. Au cœur de cette censure on trouve la lutte contre les propos "haineux" dont la définition ne cesse de s'étendre.
Plus les années passent plus le domaine de l'interdit s'étend. Peut-on critiquer l'immigration massive et ses effets sans être accusé d'encourager la haine raciale ? Peut-on s'inquiéter de la multiplication des territoires se dérobant tout à la fois à la souveraineté nationale et à la culture française ? Peut-on observer sans risque d'être lapidé médiatiquement qu'il existe un lien entre l'immigration et l'insécurité ? Peut-on critiquer les fondements même de l'islam comme on le fait avec le catholicisme sans passer pour "islamophobe". Le véritable blasphème aujourd'hui consiste à médire de la "diversité". On ne veut pas seulement proscrire certaines idées, mais criminaliser certains constats qui nous amèneraient à relativiser l'idée d'une diversité radieuse. Et pour cela le "progressisme" doit verrouiller médiatiquement la représentation de la société en traitant comme délinquants ceux qui ne voient pas le monde comme il le faudrait. Ce dont il rêve c'est du monopole du récit médiatique légitime.
Inversement, comment ne pas remarquer que le régime diversitaire fait preuve d'une tolérance exceptionnelle envers ses enfants les plus turbulents ? La mouvance indigéniste plaide ainsi pour un racialisme décomplexé qui vire au racisme antiblanc sans être inquiété sérieusement. Une des figures dominantes de l'indigénisme, Rokhaya Diallo, peut même relativiser l'holocauste en disant que les juifs d'Europe n'ont pas été exterminés en tant que groupe et continuer son petit bonhomme de chemin dans le système médiatique en passant pour une intellectuelle audacieuse. Une fois, confrontée, elle cherchera à se défendre en expliquant qu'ils n'avaient pas été assassinés à cause de la couleur de leur peau, ce qui confirme, sans même qu'elle s'en rende compte, le primat de la race comme catégorie d'analyse dans son esprit. On attend encore la vague d'indignation devant des propos aussi abjects.
Cette complaisance envers l'extrême gauche racialiste, que le progressisme traite comme son avant-garde idéologique, montre bien l'asymétrie profonde dans la structuration de l'espace public. Faut-il pour autant la censurer ? Non. Le débat public peut et doit être vif, robuste, abrupt même. Il fau même renverser la perspective. C'est tout le dispositif des lois "encadrant" la liberté d'expression qu'il faudrait questionner.
Est-il normal de multiplier les délits d'opinion ? Si la diffamation comme l'appel à la violence doivent être interdits, cela va de soi, il n'est pas certain qu'il faille étendre plus loin le domaine de la censure. Ce n'est pas en bâillonnant juridiquement un adversaire qu'on le combat, même quand on le juge outrancier, mais en lui répondant avec des arguments. Qu'une telle évidence passe aujourd'hui pour scandaleuse montre bien à quel point l'esprit Charlie est derrière nous.
Les Lumières ont classé en "sous-hommes"
· les ethnies que nous appellerions en "voie de développement" aujourd'hui;
· les femmes, tenues pour inférieures en intelligence pour des raisons physiologiques ;
· les paysans;
· les gens du peuple en général. Voltaire plaçait le peuple est entre l'homme et la bête,
· Les noirs qu'encore Voltaire assimilait volontiers aux singes.
Le féminisme fondamental, n'est peut-être qu'une réaction naturelle à cette misogynie aussi radicale des "Lumières".
Autre paradoxe, c'est au nom des "Lumières" que l'on dénonce aujourd'hui toute sorte de racisme -souvent imaginaire- alors qu'elles en sont souvent à l'origine.
Ensuite, toutes les lois sociétales proclamées ou réclamées, encore une fois, par les gauches-maçonnerie viennent du "scientisme" des "Lumières".
Sous le masque hypocrite des "droits de l'homme", la science médicale de ces deux derniers siècles s'est inspiré et a amplifié ce scientisme qui ramène l'homme au rang de mammifère entre autres mammifères qu'elle présente comme autant de "progrès" bioéthiques. Il inspira aussi l'idéologie nationale-socialiste. L'une et l'autre cherchant à éliminer physiquement tout être imparfait.
Pour Diderot et Voltaire, il n'y a que des animaux qu'on appelle des hommes. Pas d'essences proprement humaine, masculine, féminine, familiale. Il n'y a pas, non plus, de naturelle harmonie naturelle des sexes. Conséquences de ces états d'esprit, les législateurs décident, selon le bon vouloir, de ce qui est bien et ce qui est mal. Et ce qui était un crime aujourd'hui constitue un progrès le lendemain.
Autre conséquence : La lutte contre la chrétienté a toujours existé, mais elle a pris une ampleur particulière sous et depuis l'époque des "Lumières". Elle est maintenue depuis par les différentes gauches qui leur ont succédé, elles-mêmes encouragée par la franc-maçonnerie. Elle constitue le pire des racismes et a entrainé d'innombrables persécutions et la mort de centaines de milliers de croyants sous couvert de lutte contre la superstition et l'obscurantisme.
Les "inventeurs"[1] des droits de l'homme furent les premiers à les bafouer.
Nos associations actuelles de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en ont des indignations sélectives. La religion catholiques et les chrétiens en général en ont souffert, en souffrent et en souffriront encore combien de temps ?
[1] [1](faux. Ils furent créés par des moines britanniques plus de quatre siècles plus tôt)
LE VOTE ORPHELIN
I1 faut remonter à l'élection présidentielle de 1969, opposant au second tour deux candidats de centre droit, pour trouver une abstention plus forte (31,15 %) que celle du 7 mai (25,8 %). De surcroît, alors que l'abstention de 1969 tenait à l'absence d'enjeu politique, celle de 2017 a été explicitement recommandée par certains comme signe d'un refus des deux candidats.
Les chiffres sont encore plus significatifs si l'on passe aux votes blancs (plus de 6 % des votants) et nuls (plus de 2 %). Près de 9 % des votants, soit plus de 4 millions d'électeurs, se sont déplacés pour dire leur refus de choisir. Ils apparaissent comme les témoins de moralité d'une campagne qui fut en porte-à-faux de bout en bout.
Mise à mort orchestrée de la candidature victorieuse de Fillon ; promotion orchestrée du candidat Macron par l'ensemble des médias et des personnalités d'influence avant le premier tour ; pressions inouïes, avant le second tour, pour contraindre au vote Macron ceux qui, en conscience, pouvaient avoir de légitimes refus.
Aucune confrontation raisonnée
En exerçant leur liberté de dire non aux menaces pour ne pas saborder leur attachement à l'essentiel, les électeurs du vote blanc et nul ont clarifié les choses. Es ont témoigné que la France sortait du second tour orpheline
d'un vrai combat d'idées : la réanimation d'une mobilisation antifasciste hors de saison a tué dans l'œuf la confrontation raisonnée. Orpheline aussi d'un choix digne : la prestation dégradante de Marine Le Pen le 3 mai a mis à mal une vision de la France qui valait mieux que ce qu'elle en a fait. Cela dit, le vote blanc, pour être courageux, n'en est pas moins lui aussi orphelin, puisqu'il ne compte pas dans les suffrages exprimés. Toutes les victoires l'oublient.
« U autre France » meurtrie
Celui-là ne doit pas être oublié. D'abord, c'est grâce à lui que le « vote-Macron-qui-ne-vaut-pasadhésion » gagne par ricochet une crédibilité. Ensuite, si le président de la République élu tient de nos institutions une légitimité incontestable, les élections législatives ont la leur.
Or, les fractures et les fidélités de la France demeurent. L'élection d'Emmanuel Macron laisse meurtrie «l'autre France», celle que bafoue socialement, culturellement et moralement le libéralisme absolu. Les idées, dans cette campagne présidentielle, ont été souvent trahies par des insuffisances personnelles. D'autres personnes, rayonnantes et convaincues, ont vocation à les porter lors des législatives. Avec, en récompense, notre suffrage... exprimé. ∎
FC n° 2052 du 13 au 19 mai 2017
La droite a-t-elle gagné la bataille des idées ?
Interrogé sur ce point lors d’un récent colloque, j’ai répondu que la question ne se posait pas, parce que, tout simplement, la bataille n’a pas eu lieu. La gauche a refusé le combat, abandonnant tout d’un coup sur le terrain ses armes et ses munitions. C’est là un épisode stupéfiant de notre vie politique contemporaine, sur lequel les historiens du futur s’interrogeront longtemps.
Mais avant d’aller plus loin, une précision s’impose. La gauche que j’incrimine n’a rien à voir avec le peuple, et notamment avec le peuple de gauche qui dans sa grande majorité est resté fidèle à ses valeurs. Celle que je vise est composée de deux groupes, assez restreints, mais très influents dans les médias : les bobos du centre gauche, les intellos de l’extrême gauche ; en apparence très opposés, en réalité très complémentaires et même complices, à la rhétorique près.
Des exemples ? Il en vient à foison sous la plume.
Les mânes de Danton, de Robespierre, de Lamartine, de Victor Hugo, de Blanqui, de Gambetta, de Jaurès, de Clemenceau, de Jean Moulin, de Gabriel Péri, de Marc Bloch doivent trembler de colère quand elles entendent une gauche mondialisée faire de l’amour de la France une déviation identitaire.
Cette gauche hors sol, cette gauche sans qualités, est semblable à ces bancs de baleines qui viennent s’échouer sur le rivage. Jacques Julliard
DÉBAT
Le Père Thierry-Dominique Humbrecht est un philosophe et théologien brillant ; Éric Zemmour
un des journalistes les plus talentueux - et contestés - du moment. Ils passent en revue le désamour entre les Français et la politique, l'islam et la France, la laïcité, Dieu dans l'Histoire, l'espérance...
I1 y a un désaveu de la part des Français pour la politique et pour les politiques. Quelle est son origine?
Éric Zemmour- Les Français sont sans doute un des plus vieux peuples politiques du monde. La France a inventé l'État-nation, introduit la raison dans la politique, à la suite des Grecs, etc. À l'époque moderne, le général De Gaulle a entendu «réparer cent cinquante-neuf ans d'Histoire selon son expression, c'est-à-dire réparer la mort du roi en 1793. Et il a remis un roi à la tête de la République et remplacé l'onction sainte par le suffrage universel. Tout cela donne du sacré à la politique en France.
N'oublions pas que nous sommes sortis des guerres de Religion par la sacralisation du pouvoir d'État. La monarchie absolue naît des guerres de Religion. Ce n'est pas l'édit de tolérance de 1598 qui a arrêté ces guerres, c'est la monarchie absolue. Pour nous, la sacralisation du politique, cela veut dire la paix.
Thierry-Dominique Humbrecht - Nous souffrons aussi d'un abaissement de la classe politique. Passons sur les scandales de corruption, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Ne jouons pas aux puritains ! Que justice se fasse, c'est tout. Plus profondément, depuis l'agrès-De Gaulle, le discours politique manque d'épaisseur humaniste. Le Général maniait des concepts, certes, pour « manier les Français par les songes » (il citait Chateaubriand) mais pour établir ainsi le bien commue et la grandeur du pays. Les respon. sables d'aujourd'hui sont le plus soin vent des technocrates. Quand ih essaient de dire les choses, leur discours sonne souvent creux. Avec une certaine vacuité sur les fondements peut-être parce que personne n'ose être chrétien. À gauche, on formate la culture et les programmes scolaires. À droite, la pensée éducative et culturelle est inconsistante. Qui pourrait cites un ministre de la Culture de droite?
É. Z. - Il y a eu Malraux ! Les Français ont une très haute idée de la politique. C'est sans doute le peuple qui en a la plus haute idée. Ajoutez à cela la mondialisation, l'Europe qui nous a enlevé des pans entiers de la souveraineté, et le niveau des politiques qui ne cesse de baisser. Et vous comprenez pourquoi les Français en veulent à leur classe politique d'être aussi médiocre, d'être aussi inefficace, d'être aussi inutile.
Est-ce que vous pensez que les catholiques sont encore capables d'inspirer le débat politique malgré leur petit nombre?
É. Z. - Inspirer le débat politique? C'est compliqué pour les catholiques étant donné ce qu'ils ont pris sur la tête depuis la Terreur sous la Révolution jusqu'à la séparation de 1905. C'est assez normal qu'ils soient un peu inhibés. Aujourd'hui, le catholicisme a été chassé de la société, avec pour résultat
une anomie sociale inouïe, et l'islamisation de nombreux quartiers. II est évident qu'il y a un besoin d'ordre, de spiritualité, d'encadrement, de foi, de dépassement de soi, et que, comme le catholicisme désormais s'interdit d'y répondre, l'islam y répond à sa place.
T.-D. H. - Au cours du XXe siècle, les catholiques se sont beaucoup engagés. Et ils se sont souvent trompés ! À l'extrême droite avec l'Action française, ou à l'extrême gauche avec le communisme. On se demande quelle est l'origine de cet aveuglement collectif si fréquent. Dès que les catholiques trouvent des valeurs de générosité chez les autres, qui sont en fait des traces de christianisme, ils ont tendance à s'y ruer. Nous avons péché par naïveté et par souci excessif de récupération apologétique.
É. Z. - En fait, les catholiques ont donné raison à Nietzsche pendant tout le XXe siècle. Cette espèce d'universalisme un peu benêt qu'il dénonçait les a fait tomber dans tous les panneaux du siècle. Et cela continue. Les chrétiens de gauche dans les années quatre-vingts ont été une catastrophe historique !
T.-D. H. - Le rétrécissement quantitatif crée un trouble, parce que les catholiques commencent à s'apercevoir qu'ils ne sont plus chez eux. De plus, beaucoup de jeunes catholiques choisissent des études de commerce, le monde des affaires. Ils délaissent les métiers d'idées et de transmission ! Ce devrait être l'inverse... Le combat culturel leur échappe.
Les catholiques ont du mal à inspirer le débat politique. Les manifestations contre la loi Taubira ont>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Au boulot, les cathos!
Un fossé sépare Éric Zemmour du Père Humbrecht. Le juif et le catholique, le laïc et le religieux, le journaliste ultra-médiatique, adoré par les uns, haï par les autres, et le philosophe et théologien thomiste inconnu du grand public. Or, loin de s'opposer, les deux hommes se complètent. Si Éric Zemmour a souvent des idées intéressantes, qu'il défend avec la verve et le talent qu'on lui connaît, il peut y avoir chez lui un côté implacable, voire désespéré. Le Père Humbrecht, en rejoignant l'écrivain sur certaines analyses - sauf sur la dimension publique des religions -, apporte une dimension d'espérance, absente par définition dans l'aeuvre de Zemmour, sans pour autant
bercer ses lecteurs d'illusions. C'est au final un débat étonnant, parfois à fronts renversés. C'est le Père Humbrecht qui est sévère avec les chrétiens, soulignant leurs fourvoiements passés. Et Éric Zemmour qui rappelle le rôle bénéfique joué par les catholiques dans l'accouchement du modèle social à la française, au milieu du XXE siècle (il aurait pu parler aussi des catholiques sociaux au XIXe siècle). C'est encore lui qui cite Chesterton et saint Ignace. Et c'est toujours lui qui rappelle à sa manière, assez vive, le devoir pour les catholiques de reprendre leur «boulot »
d'évangélisation... Soyez fiers de vous, nous dit-il en substance. Message reçu ! ∎ G-H.A.
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« Nos politiques, peu formés théologiquement, ne tolèrent dans l'espace public qû une sorte d'humanisme. »
<<<<<<fourni à certains une occasion d'engagement. Mais une action sans réflexion est vouée au militantisme essoufflé. Les catholiques risquent de caler net, s'ils ne prennent pas au sérieux une formation au souffle long. Leur discours doit se fonder. Faute de quoi, ne leur reste plus que l'activisme, sans plus d'humanisme que leurs aînés. Certains jeunes catholiques devraient embrasser les métiers de la politique. Avec tous les efforts et tous les risques que cela comporte !
É. Z. - Plutôt que l'avocat du diable, je voudrais pour une fois me faire l'avocat du Bon Dieu deux minutes... Un historien américain, Philip Nord, dans son livre Le New Deal (Perrin), montre comment les élites des années trente, imprégnées de catholicisme, ont accouché du fameux «modèle social français » à la Libération. C'est le fruit d'une sorte de permanence catholique française. Je dis bien catholique, parce que opposé au système protestant des Anglo-Saxons, très inégalitaire. Cela me paraît important de le rappeler, de rappeler aux catholiques qu'ils ont été grands, qu'ils ne se sont pas toujours trompés, et qu'ils ont imprégné le modèle français aussi pour le meilleur.
T.-D. H. - Vous faisiez allusion avec raison à l'après-guerre. Certains philosophes catholiques ont voulu repenser la politique, comme Maritain, Mounier ou Gilson. Ils ont cherché des solutions chrétiennes et rationnelles. Mais ils ont été oubliés ! Les philosophes chrétiens ont été balayés par Sartre et par cinquante ans de déconstruction intellectuelle.
Il y a eu un écrasement de la pensée chrétien: non seulement par elle-même, mais aussi par ses adversaires. Être un penseur chrétien était l'o)r d'une chasse. Cela reste vrai dans les milieux u versitaires ou médiatiques aujourd'hui. D'où certain amaigrissement.
II faut des catholiques qui engagent leur vie p fessionnelle ou leur vie tout court dans cette av( ture. Cela suppose de passer de la passivité à l'activi «C'est à moi de m'y mettre! » Les laïcs catholiqt en France n'y sont plus habitués, car d'autres p taient la culture à leur place. Le catholicisme allait soi, il croyait n'avoir pas besoin de se dire. Mêmi l'école, les curés s'occupaient de tout! Maintena c'est à mes enfants de devenir profs ! Les parei rechignent un peu: «Jamais! Ils vont crever de fai Ils vont être méprisés socialement! » C'est un risq Mais c'est cela ou rien. La culture chrétienne, il fi des gens pour la vivre et la rendre créative.
É. Z. - Qui s'y met? C'est votre boulot !
T.-D.H. - C'est notre boulot ! Ce n'est pas gagn
É. Z. - Je crois qu'il faut réaffirmer ce que j'< pelle la prééminence culturelle du catholicisi en France. Moi, je peux me permettre de le du Réaffirmer la prééminence culturelle qui a fait France depuis mille cinq cents ans.
La prééminence culturelle des catholiques, c'est au nom de la vérité ou c'est au nom de l'Histoire
É. Z. - Au nom de l'Histoire ! Je comprends q l'on dise: au nom de la vérité. Mais ce n'est pa moi de le dire. Et dans une société deux siècles api la Révolution française, dont un siècle de démocrai on peut difficilement l'imposer comme cela ! Ci ne serait pas compris, cela ne serait pas adm Même les catholiques - je parle sous votre contrc mon Père - ne le comprendraient pas !
L'affaire du burkini nous a occupés tout lié Beaucoup se sont opposés à cet accoutrement nom de la laïcité. Que pensez-vous de cet arc ment de la laïcité pour contrer les aspects les plus conquérants de l'islam?
É. Z. - Pour le voile comme pour le burkini, laïcité n'est pas le bon combat. Je pense au contra qu'il faut placer ce combat sur l'axe de l'assimi tion. En France, on ne répand pas sa croyan religieuse dans l'espace public. En France, on privatise pas des lieux publics pour sa religion.
Oui, me répond-on, mais si on interdit le burk on doit interdire les prêtres en soutane et les rf gieuses à guimpe ! C'est un raisonnement de sophis les prêtres sont des professionnels de la religi( comme les religieuses. Ce n'est pas le cas d femmes qui se mettent en burkini. Ce sont des ge comme vous et moi ! Il n'y a aucune raison qu' affichent leur religion à la face des autres da le but évident de conquérir l'espace public.
Et je pense qu'aujourd'hui le rôle du catholicisme - c'est pour cela que je parlais à l'instant de prééminence culturelle -, c'est de rappeler avec force que la France n'est pas une terre musulmane. Ce n'est pas la laïcité qui va à elle seule arrêter cela. Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu? Oui, bien sûr, il faut le rappeler. Mais ça ne suffit pas.
T.-D. H. - Légiférer sur une histoire de maillot de bain! C'est refuser de traiter les choses à leur fondement, sauf si cet objet devient un symbole, mais il y en a d'autres plus importants... Légiférer sur tout est un danger.
É. Z. - Il ne faut pas légiférer sur le burkini. II faut un référendum et exiger une application stricte de la séparation entre espace public et espace privé pour les citoyens.
T.-D. H. - La distinction entre privé et public ne risque-t-elle pas de se retourner contre nous? On veut une culture catholique, mais qui reste laïque dans son expression publique. La nature sans la grâce est-elle encore nature? Toute religion a par essence une dimension sociale. Dire qu'aucune religion ne peut s'exprimer dans l'espace public est une mutilation du religieux. C'est une conception faussée, et non une position neutre. Nos hommes politiques qui sont peu formés théologiquement ne tolèrent dans l'espace public qu'une sorte d'humanisme, comme s'il était commun à tous et en dehors de tout référent religieux, lequel doit rester privé. Il en va comme si tout le monde achetait la même voiture, sauf pour les options : pour les uns l'allumecigare, pour d'autres deux ou quatre portes.
Une distinction n'est pas une séparation. Le christianisme a inventé la distinction entre le temporel et le spirituel. Il a néanmoins produit la laïcité. L'islam n'a pas cette distinction : c'est Dieu qui fait tout, Il dicte seul la loi. La laïcité s'érige en arbitre des religions, comme si elle en était capable. Elle devrait commencer par reconnaître qu'elle est issue du christianisme. Elle y trouverait sa propre clé de la société. Elle s'obstine à s'y refuser.
É. Z. - C'est normal, la laïcité a été utilisée comme une arme de guerre contre la puissance cléricale.
T.-D. H. - La laïcité est une idée chrétienne exagérée.
É. Z. - C'est la fameuse formule de Chesterton : Le monde est plein de vertus chrétiennes devenues folles.
Éric Zemmour, vous parlez de "désislamiser la France" Concrètement, vous vous y prenez comment? On ne détruit que ce qu'on remplace...
É. Z. - Il y a d'innombrables quartiers aujourd'hui qui vivent sur un mode de vie islamique. Il y a les vêtements, il y a la nourriture, il y a les relations entre les hommes et les femmes, il y a les cafés où il n'y a plus que des hommes - bref, un mode de vie qui n'est plus le mode de vie français. Désislamiser, c'est par exemple interdire les vêtements coraniques dans l'espace public.
Il n'y a pas de raison d'avoir des vêtements religieux dans un espace public, je suis désolé.
Vous pensez que c'est tenable?
É. Z. - Vous savez, quand dans vingt ans on aura vingt millions de musulmans, cela sera encore moins tenable ! Et alors on dira que les lois démocratiques imposent le respect de la charia. II faut savoir ce que l'on veut !
Éric Zemmour, on vous accuse souvent d'être pessimiste. Que répondez-vous?
É. Z. - (Soupir) J'en ai un peu assez de cette discussion sur le pessimisme et l'optimisme... Cela me fait penser à cette blague du cinéaste américain à Hollywood : dans les années trente chez les juifs à Berlin, il y avait aussi les pessimistes et les optimistes. Les pessimistes ont fini à Hollywood et les optimistes à Dachau... Depuis trente ans, on nous dit que tout va bien, que tout va aller bien ! Ne vous inquiétez pas, c'est formidable, il faut espérer, il faut être optimiste. On voit où ça nous a menés.
T.-D. H. - II ne faut pas confondre optimisme et espérance. La définition chrétienne de l'espérance porte sur l'eschatologie. Cette vertu théologale assure, dans la foi, que Dieu nous donne dès aujourd'hui tous les moyens d'être sauvés. Aucun doute là-dessus, l'espérance est granitique ! Maintenant, si espérance veut dire un avenir terrestre meilleur, et notamment un avenir politique, rien n'est garanti.
Optimisme et pessimisme sont des dispositions a priori du tempérament. Les gens sont >>>>>>>
<<<<<<<<<<<<<<<<<naturellement optimistes ou pessimistes. Leur désir ne change rien à la réalité! Parfois, l'espoir permet à l'optimiste de prendre des initiatives que le pessimiste ne prendrait pas. Ou l'inverse. Quant au plan politique, Dieu dans sa providence nous a donné une capacité d'action. Mais la providence ne consiste pas pour Lui à intervenir pour éviter ni réparer nos erreurs !
É. Z. - Ignace de Loyola disait : "Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu'en réalité tout dépend de Dieu. "
T.-D. H. - Dieu nous donne la capacité de comprendre et d'agir par nous-mêmes. Attendre une intervention divine au plan politique serait au contraire reconnaître une sorte de passivité sur fond d'impuissance. Ce désir-là d'intrusion de Dieu n'est pas chrétien, mais un revenant des religions civiles païennes. Le souhait d'une intrusion divine résulte du pessimisme de l'homme.
De plus, attendre comme une grâce le salut politique est très consumériste et paradoxalement laïcisant : Dieu fait tout, nous rien, sauf bien sûr au plan profane. Certains cathos d'aujourd'hui sont peut-être devenus protestants sans le savoir ! Sur le plan privé, ils cultivent une piété plus ou moins charismatique mais, en société, ils sont profanes, avec toute licence de s'adonner au négoce ! Le réflexe catholique chercherait plutôt à évangéliser la société.
Si nous voulons que la cité s'améliore, prenons les moyens de la construire, moyens que Dieu, dans sa providence, nous donne. Dieu n'a pas garanti la perduration des royaumes, ni même, hélas: pérennité chrétienne de telle société. Après tout plus belle chrétienté fut celle de saint Augustin l'Afrique du Nord. Elle a été passée au cimeterre!
É. Z. - En raison aussi de la démographie !
T.-D. H. - La prudence politique, dirait Aristote est du ressort de la vertu, et donc de notre intelli gence. Qu'un chrétien construise la cité en fonction de fins plus élevées, pas seulement pour la terre, mais aussi pour le Ciel, très bien ! Que ce politique chrétien cherche à purifier son ambition devant Dieu pour mieux servir, c'est parfait ! Que sa propre sanctification le rende meilleur politique, peut-être ! mais s'il se trompe, il se trompe. Dieu n'intervient pas pour rectifier une erreur de jugement.
L'espérance, il suffit de se baisser pour la ramassser. Remplissons les églises ! Tout le monde peut y aller et recevoir les sacrements qui sauvent. Pour reste, l'ordre politique n'a pas d'autre secours que la raison. Pour être un bon politique chrétien, il faut être un bon chrétien et aussi un bon politique. Les meilleurs théologiens comme saint Thomas d'Aquin sont clairs là-dessus.
Dieu n'intervient-Il pas dans l'Histoire?
T.-D. H. - Dieu dans l'Histoire est intervenu en vue de manifester le salut. Son intervention, unique en son genre, c'est l'Incarnation, qui change à jamais l'Histoire. En revanche, il n'intervient pas comme un acteur politique. C'est une illusion. L'Histoire nous l'apprendrait! Son action consiste à porter la nôtre. Pour autant, ce n'est pas parce que l'action humaine est difficile qu'elle va échouer.
Il ne faut pas attendre d'autre sauveur que Jésus Christ et, face aux questions de ses Apôtres, : il se dérobe vis-à-vis de toute domination politique la vie politique récupère souvent les éléments de langage du salut: «Le prochain président va-t-il nous sauver?» Ces histoires de salut laïcisent tout paraissant tout christianiser. Je repense à l'élection du président Obama. Il bénéficiait d'une identification christique stupéfiante. Huit ans après, on le roule dans la boue. En France, en 2017, il y aura un nouveau président. Il fera ce qu'il pourra, dns les domaines qui sont les siens, avec une marge manoeuvre réduite. Face aux questions religieuses de la société, la classe politique a-t-elle les moyens de répondre? Moins qu'elle ne le croie.
Vu la situation de notre continent et de n pays, pensez-vous qu'il soit possible de s'en sortir ?
É. Z. - Il ne faut pas se voiler la face. Le continent européen chrétien est en situation de mort annoncée. On est dans une situation gravissime: Je pense que la démographie fait l'Histoire. Et qu'à partir d'un certain moment, c'est la démographie; qui fait basculer l'Histoire. À chaque fois qu'en Europe il y a eu un pays doté d'une démographie très forte, il s'est imposé aux autres, il a guerroyé contre les autres, et il a imposé son idéologie !
T.-D. H. - La France à l'époque classique...
É. Z. - Exactement ! La France de Louis XIV, la France de la Révolution qui a 28 millions d'habitants, la Russie qui a 28 millions d'habitants. II faut voir les rapports de forces. Aujourd'hui, on voit bien que c'est l'inverse: c'est le continent européen dont la démographie baisse, et qui se remplit de populations étrangères.
Soit le combat se fait de façon classique, c'est-àdire d'État-nation à État-nation, c'est-à-dire la Chine et les États-Unis. Ou alors on a affaire à un autre mode de conflit que nous connaissons ici : le retour à l'affrontement entre la civilisation chrétienne et la civilisation islamique et qui nous ramène au Moyen Âge - ce que nous vivons aujourd'hui. Certains en ont conscience, les Russes en ont conscience, les Hongrois en ont conscience, les Polonais en ont conscience, ce n'est pas pour rien qu'ils refusent tout migrant venant de pays musulmans ! C'est d'ailleurs pour cela qu'on leur tape dessus. Parce qu'ils ne veulent pas mourir. Alors que ceux qui se suicident sont glorifiés, comme Mme Merkel.
T.-D. H. - Pourtant, quelques belles personnalités peuvent renverser une évolution. Cela s'est déjà vu dans notre histoire ! Ce sont les fameuses minorités créatives de Benoît XVI. Les saints ! En politique aussi. La grandeur renaît dans la détresse.
É. Z. - Mais il faut qu'il y ait un fonds culturel! L'individu est le produit d'une trajectoire culturelle.
T.-D. H. - En effet, le renouveau ne sortira pas comme un lapin d'un chapeau. Quand un jouet est cassé, il faut au moins l'admettre, et puis chercher à le réparer. II est possible de reconstituer un tissu social par la culture, à condition qu'il y ait des acteurs, et des acteurs chrétiens. Surtout, bien des choses peuvent se rééquilibrer avec des conversions, ce qui suppose un message annoncé.
É. Z. - Pour qu'il y ait conversion, il faut que l'Église reprenne son travail de conversion...
T.-D. H. - C'est vous qui l'avez dit! ∎
Propos recueillis par Charles-Henri d'Andigné et Samuel Pruvot
Photos: Anthony Micallef/Haytham-Rea
Famille Chrétienne n'2021 du 8 au 14 octobre 2016-www.famillechretienne.fr 15
« Le retour à l'affrontement entre les civilisations chrétienne et islamique nous ramène au Moyen Âge. » É. Zemmour
HOLLANDE : MINISTRES ET CONSEILLERS FRANCS-MAÇONS
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Jean-Marc Ayrault (ex-Premier Ministre) : En 2008, maire de Nantes, il fait voter une subvention de 400 000€ destinée à la rénovation et à l’agrandissement du local servant aux réunions de 7 loges maçonniques
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Manuel Valls (Premier ministre), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF) (Il précise qu’il ne l’est plus)
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Christiane Taubira (Ministre de la Justice), franc-maçonne membre du Grand Orient de France (GODF)
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Pierre Moscovici (ex-Ministre de l'Economie et des Finances), ancien membre de la Ligue. Communiste Révolutionnaire et « Young Leader » de la French American Foundation
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Najat Vallaud-Belkacem (Ministre des Droit des Femmes), « Young Leader » de la French American Foundation
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Arnaud Montebourg (ex-Ministre du Redressement Productif), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF) et « Young Leader » de la French American Foundation.
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Michel Sapin (Ministre du Travail), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Vincent Peillon (Ministre de l'Education Nationale), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF) et ancien communiste membre du Comité Communistes pour l’Autogestion
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Jérôme Cahuzac (ex-ministre du Budget), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Jean-Yves Le Drian (Ministre de la Défense), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Stéphane Le Foll (Ministre de l'Agriculture), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Marylise Lebranchu (ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Fonction publique) franc-maçonne et ancienne communiste membre du PCMLF (Parti communiste marxiste-léniniste de France)
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Anne-Marie Escoffier (Ministre déléguée chargée de Décentralisation), franc-maçonne membre du Parti Radical de Gauche et membre de la Grand Loge Féminine de France (GLFF)
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Fleur Pellerin (Ministre Déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Economie Numérique), « Young Leader » de la French American Foundation
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Benoît Hamon (Ministre délégué à l'Économie sociale et solidaire et à la Consommation), franc-maçon
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George Pau-Langevin, (Ministre déléguée à la Réussite éducative), franc-maçonne
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Michèle Delaunay (Ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie), franc-maçonne
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Frédéric Cuvillier (Ministre délégué aux Transports), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Marc Mancel ( conseiller de la ministre George Pau-Langevin), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Christophe Chantepy (directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Alain Simon (contrôleur général au ministère de l'Economie), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Alain Vidalies (Ministre en charge des Relation avec le Parlement),franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Aquilino Morelle (ex-conseiller de François Hollande), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF) et « Young Leader » de la French American Foundation
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Cédric Lewandowski (directeur de cabinet de Jérôme Cahuzac), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Victorin Lurel (Ministre délégué en charge de l'Outre-Mer), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Renault Vedel (directeur adjoint de cabinet de Manuel Valls), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Alain Bauer (conseiller officieux de Manuel Valls), franc-maçon ancien Grand Maitre du Grand Orient de France (GODF)
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Yves Colmou ( conseiller de Manuel Valls), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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ECHANTILLON DES FRANCS-MAÇONS AU SENAT ET A L'ASSEMBLEE NATIONALE (LISTE NON EXHAUSTIVE)
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LES FRANCS-MAÇONS DU SENAT
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François Rebsamen (président du groupe PS au Sénat), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Jean-Pierre Sueur (sénateur PS du Loiret et Président de la Commissions des lois), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Claude Domeizel (sénateur PS des Alpes-de-Haute-Provence), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Gérard Collomb (sénateur maire de Lyon), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Michèle André (sénatrice PS du Puy-de-Dôme), franc-maçon vice-présidente de Fraternelle Parlementaire et membre du Droit Humain
Robert Navarro (sénateur PS de l'Hérault), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Les Francs-Maçons à l'Assemblée Nationale et dans les Collectivités Locales
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Henri Emmanuelli (député PS des Landes), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Christian Bataille (député PS du Nord), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Pascale Crozon (députée PS du Rhône), franc-maçonne vice-présidente de la Fraternelle Parlementaire
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Pascal Terrasse (député PS de l'Ardèche), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Oliver Dussopt (député PS de l'Ardèche), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Brigitte Bourguignon (députée PS du Pas-de-Calais), franc-maçonne
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Odiles Saugues (députée PS du Puy-de-Dôme), franc-maçonne
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Patrick Menucci (député PS des Bouches du Rhône), franc-maçon membre de la Grande Loge de France (GLDF)
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Paul Giacobbi (député PRG de la Haute-Corse), franc-maçon membre de la Grande Loge de France (GLDF)
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Jean Le Garrec (ancien ministre PS), franc-maçon président du Cercle Ramadier, membre du Grand Orient de France (GODF)
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Philippe Guglielmi (premier secrétaire fédéral du PS de Seine-Saint-Denis), franc-maçon ancien Grand Maitre du Grand Orient de France(GODF)
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Jean-Jacques Queyranne (président de la région Rhône Alpes), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Philippe Foussier (rédacteur en chef de la revue de la Fédération national des élus socialistes et républicains), franc-maçon membre du Grand Orient de France
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Jean Glavany (député PS des Hautes-Pyrénées), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Jean-Marie Cambacérès (député PS du Gard), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Jean-Michel Baylet (sénateur PRG du Tarn-et-Garonne), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF)
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Jack Lang, franc-maçon
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Daniel Vaillant (député-maire à Paris), franc-maçon
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Harlem Désir (Premier Secrétaire du Parti Socialiste), franc-maçon membre du Grand Orient de France (GODF) (celui-ci dément)
Source : Le Figaro
Les attentats du 13 novembre
Pourtant, ces attentats ont déjà joué, et joueront encore, un rôle déterminant, celui de révélateur. Ils remettent les choses à leur place. Ils nous rappellent au sens des réalités. Ils nous font voir clairement quels sont pour nous les véritables dangers, quels sont nos intérêts vitaux, qui sont nos amis et nos ennemis. Les conditions fondamentales étaient déjà présentes et les observateurs lucides les avaient bien mises en valeur. Mais, pour des raisons qu’il est difficile d’expliquer rationnellement, des fantasmes soutenus par une propagande lancinante ont voilé l’évidence même.
Cette déviation du raisonnement politique a particulièrement exercé ses ravages dans les rapports officiels de l’Occident en général, et de la France en particulier, avec la Russie. Il est temps de rappeler en quoi ce grand pays, qui tient une place de plus en plus importante dans le concert mondial, est notre allié naturel, non pas du fait d’un événement particulier, si tragique soit-il, mais pour des raisons qui tiennent, comme aurait dit de Gaulle, à la nature des choses.
Quand on examine la situation internationale rationnellement et sans préjugés, on est amené à constater que les relations entre la France et la Russie devraient être des plus faciles, car il n’existe aucun contentieux qui oppose les intérêts de nos deux pays. Pourtant, à en croire le pouvoir politique français et la plupart des médias, il régnerait entre nous un tel climat de tension que certains, naguère encore, allaient jusqu’à parler de guerre froide, voire de risque de conflit armé. Les commentaires officiels prennent comme donnée de base évidente que nous sommes dans deux camps opposés et que le mieux que l’on puisse espérer serait d’éviter un affrontement. Autre donnée de base de la vulgate médiatique : la Russie est actuellement dirigée par un personnage inquiétant et redoutable, dictateur à l’intérieur de son pays et prêt à toutes les aventures sur la scène internationale. On laisse entendre, sans toujours le dire ouvertement, que ses mauvaises manières font penser à Hitler. Il est temps de dissiper les fantasmes et de garder la tête froide, exercice d’autant plus salutaire qu’il fait apparaître la situation sous un jour beaucoup moins catastrophiste.
Qu’il n’existe pas de conflit naturel entre la France et la Russie relève de l’évidence : aucune contestation territoriale, aucune revendication, aucune rivalité de puissance. Bien mieux, ce qui relève aussi de l’évidence, c’est la complémentarité entre les deux pays, principalement en matière économique. La Russie est très riche en ressources naturelles dont la France a besoin pour ses industries de transformation. D’où vient donc cet antagonisme de façade ?
L’une des raisons est assez traditionnelle. S’il est vrai que les deux pays n’ont pas de contacts géographiques directs, il est vrai aussi qu’ils ont l’habitude de se mêler des affaires du monde, ce qui peut les conduire à avoir des différends indirects, à distance. Cela peut être le cas à propos de l’Ukraine et de la Syrie. Nous verrons plus loin quelles sont les différentes positions en présence sur ces questions.
Une autre raison, plus dans l’air du temps, vient compliquer la situation. Traditionnellement, les différends à distance portaient sur des divergences d’intérêts. Or, il est certain que, en Syrie par exemple, les intérêts de la France et ceux de la Russie n’ont rien de particulièrement contradictoire. C’est que d’autres considérations viennent perturber le jeu : les considérations d’ordre moral et idéologique. On ne se demande pas si le maintien ou l’éviction de Bachar el-Assad entraînerait des conséquences bonnes ou mauvaises, on décrète a priori que ce Bachar est décidément un mauvais garçon qu’il faut punir d’urgence et prioritairement. Pour le traitement des conséquences, on verra plus tard. Nous sommes là au cœur du problème : quels sont les principes et les critères qui doivent inspirer notre politique étrangère ? Question qui n’a rien de rhétorique, car, selon la réponse, les conséquences peuvent être terriblement différentes. Nous y reviendrons.
Cette question des principes qui doivent commander notre politique étrangère se pose à propos de la troisième raison (peut-être la plus importante) qui explique l’attitude hostile de la France officielle à l’égard de la Russie : il s’agit de la conformité systématique de notre diplomatie avec celle des Etats-Unis.
Il faudrait de longs développements pour envisager tous les aspects de nos rapports complexes avec les Etats-Unis. Ce pays demeure le plus puissant du monde, son dynamisme ne se dément pas et il exerce un immense pouvoir d’attraction, voire de fascination. De plus, le poids de l’histoire récente se fait encore sentir. Pour les Français et pour l’ensemble du monde occidental, après les interventions contre l’Allemagne en 1917 et en 1944, la guerre froide a laissé des traces très profondes dans les esprits et dans les cœurs. Les Etats-Unis étaient considérés comme les champions incontestés du monde libre. Un sentiment de type féodal s’était développé. Ils étaient vus comme une sorte de suzerain, détenant non seulement le pouvoir de commander, mais une sorte de légitimité particulière pour ainsi dire inaliénable. La conséquence naturelle est que les pays européens, officiellement alliés, se sont retrouvés, à force de reconnaître un suzerain, dans une position de vassaux. C’est exactement ce que de Gaulle combattait en essayant désespérément de faire prévaloir la construction d’une Europe-puissance. L’effondrement de l’empire soviétique, et du communisme en général, a semblé renforcer la position du vainqueur américain dans la situation nouvelle. Un indice est à cet égard révélateur. Alors que l’OTAN, créée pour résister au camp communiste, avait perdu toute raison d’être, elle a été maintenue et a développé une activité interventionniste comme outil au service des Etats-Unis. A l’inverse, par ce même phénomène de persistance mémorielle, la Russie est considérée aux yeux de certains comme le simple prolongement de l’URSS, c’est-à-dire comme l’ennemi potentiel d’hier toujours prêt à le redevenir.
Mais expliquer n’est pas justifier. Une bonne façon de se retrouver en mauvaise posture est de mener aujourd’hui la guerre d’hier, sans s’apercevoir que la situation a radicalement changé. Pour y voir plus clair, il faut, pour employer une expression à la mode, revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire à l’essentiel et au permanent. Ce qui est essentiel et qui devrait être permanent pour déterminer la politique étrangère d’un pays, c’est l’intérêt supérieur de ce pays. Bien entendu, il ne s’agit pas de proposer une conception à courte vue, étriquée et rétractile, mais de se dégager d’abord de tous les préjugés et faux-semblants.
Dans le cas présent, comme nous l’avons dit, il est certain qu’il n’existe aucune opposition de fond, au contraire, entre les intérêts de la Russie et les nôtres. D’autre part, nous n’avons aucune raison sérieuse d’épouser la cause des Etats-Unis. Nous ne sommes pas en guerre contre un ennemi commun traditionnel et nous n’avons pas à nous comporter comme des alliés fidèles et dévoués qui pourraient éventuellement sacrifier une partie de leurs intérêts au profit du commandant suprême. Les relations entre la Russie et les Etats-Unis ont leur logique propre. C’est une constante des conceptions géopolitiques des Etats-Unis que de considérer la Russie comme un antagoniste naturel et un adversaire potentiel. C’était déjà vrai avant l’ère communiste et cela le demeure après. En conséquence, c’est aussi une constante de la stratégie américaine que de couper la Russie de l’Europe. Cet objectif est apparu au grand jour ces dernières années.
Il n’est même pas certain qu’ils agissent dans leur intérêt bien compris, car il y avait en Russie, après la chute du communisme, un engouement enthousiaste pour les Etats-Unis que ceux-ci ont douché de façon glaciale et assez méprisante, ramenant les Russes à l’état d’une nation vaincue dans la guerre froide. Mais, après tout, peu importe que les Américains jouent bien ou mal. C’est leur affaire et non la nôtre.
Qui plus est, si les Etats-Unis se distinguaient par une pratique judicieuse et profitable en fait d’interventions sur la scène mondiale, nous pourrions nous dire qu’il serait avantageux de monter dans leur bateau. Mais, comme on le remarque souvent ironiquement, le seul succès qu’ils aient remporté dans leurs interventions extérieures est l’occupation de l’Ile de la Grenade sous la présidence Reagan. Remercions au passage Jacques Chirac d’avoir refusé d’engager la France dans la catastrophique deuxième guerre d’Irak.
Enfin, si certains nourrissent l’espoir un peu veule que le bon maître nous sera reconnaissant, qu’ils se souviennent de Hollande déployant un zèle servile pour soutenir les frappes américaines prévues contre Bachar el-Assad et lâché en rase campagne, se retrouvant Gros-Jean comme devant par la grâce d’Obama.
Ces propos ne sont pas un réquisitoire contre les Etats-Unis. Ce n’est pas pour rien si ce pays est encore le plus puissant du monde et s’il est toujours en mesure de nous donner des leçons d’énergie et de dynamisme. Ils visent seulement à nous rappeler que son destin et ses intérêts lui appartiennent, que nous devons être maîtres des nôtres et que, en particulier nous n’avons pas vocation à jouer les satellites dans une politique hostile à la Russie.
Si cette question se pose, ce n’est pas pour le plaisir de se livrer aux délices de l’analyse psychologique intime, c’est que nous assistons à un double phénomène des plus intéressants et des plus importants. Nous voyons tout un peuple, dans ses profondeurs et dans sa grande majorité, se reconnaître dans un homme et nous voyons aussi ce couple déterminé à laisser son empreinte non seulement sur sa propre histoire, mais sur les affaires du monde. Les politologues occidentaux patentés ont été déconcertés, en particulier par une popularité perceptible en toute occasion et mesurée par les sondages et les élections. Ils ont d’abord invoqué des pressions et une emprise étouffante exercées par le pouvoir. Mais, au fil du temps, cette image d’un peuple sous la botte n’a reçu aucune confirmation dans un pays ouvert à tous vents et soumis à toutes les observations. Ils ont ensuite prédit que cette popularité produite mécaniquement par une relative prospérité due au prix élevé du pétrole, ne manquerait pas de s’effondrer à l’apparition des premiers nuages. La Russie a en effet souffert de la crise mondiale, de la baisse considérable du prix des produits énergétiques et d’un certain étouffement économique provoqué par les sanctions occidentales. Les Russes ont été éprouvés, mais ils se sont encore plus étroitement rapprochés de leur président. Nous n’aurons pas la cruauté d’émettre quelque comparaison que ce soit avec d’autres pays et d’autres dirigeants.
Quant à la manière de gouverner de Poutine, on a d’abord présenté le personnage comme une marionnette des oligarques, destinée à obéir ou à être balayée par ses maîtres. Une telle lucidité dans l’analyse a de quoi susciter l’admiration rétrospective. On a donc envoyé le balancier à l’autre extrémité : Poutine était un dictateur, et même un tyran. Mais nul soulèvement populaire (donc nulle répression sanglante), nulle révolte éloquente d’un champion de la liberté (donc nul martyr emprisonné) ne sont venus donner quelque consistance à l’image diabolisée.
Qui est donc cet homme qui, d’ores et déjà et sans préjuger de l’avenir, a suscité une telle longévité dans l’adhésion ? Cette question n’est ni littéraire, ni théorique, elle est profondément politique.
Les observateurs qui connaissent bien la Russie et qui s’intéressent à Vladimir Poutine sont d’accord pour dire qu’il existe une profonde correspondance entre le personnage et sa fonction. Certains êtres humains sont doués pour la musique, les mathématiques, le commerce ou la mécanique, lui est doué pour la politique, et plus précisément pour le gouvernement. C’est même un surdoué. Il pourrait reprendre à son compte, pour la fonction de président, ce que Louis XIV disait du « métier de roi », à savoir qu’il est grand, noble et délicieux. Sur toutes les questions qui préoccupent ses concitoyens, sur celles qui surviennent dans l’actualité, il est présent, il intervient et surtout il envisage la situation d’un point de vue pratique et il apporte une solution. Il donne l’impression, et sans doute plus que l’impression, d’une activité foisonnante et efficace. Rencontre d’une passion et d’un tempérament : passion patriotique, amour de son pays et pulsion puissante pour les réalisations concrètes que permet le pouvoir.
Les adversaires occidentaux de Poutine croient utiliser contre lui l’argument qui tue en disant qu’il doit sa formation politique à son passage au KGB. En réalité, outre qu’il n’y a pas exercé des fonctions du plus haut niveau, il faut se souvenir que le KGB était, entre autres, comme on l’a dit, une sorte d’équivalent de l’ENA, qu’il était à peu près le seul organisme fonctionnant bien en URSS, que ses membres étaient souvent très lucides sur le communisme et que le corps dans son ensemble n’a rien fait, au contraire, pour essayer de sauver le régime soviétique de l’effondrement. Cet épisode de sa vie n’a donc rien pour Poutine d’un péché originel.
Si l’on s’interroge encore sur la popularité persistante de Poutine, il faut constater, tout simplement, qu’il a obtenu des résultats spectaculaires que ses compatriotes n’ont pas oubliés. Après la présidence Eltsine, il a hérité d’un pays en morceaux. Sans qu’on puisse parler de prospérité florissante et malgré les difficultés de ces derniers temps, il a élevé le niveau de vie des Russes dans de fortes proportions. Et ce qui est au moins aussi important que les progrès économiques, il a trouvé un pays humilié, sur lequel le monde entier s’essuyait les pieds après l’avoir redouté, et il en a fait, en quelques années, un des acteurs majeurs sur la scène internationale, non seulement, comme on dit, incontournable, mais pièce indispensable au règlement de plusieurs situations internationales. Les Russes, peuple sentimental et fier, lui en sont profondément reconnaissants. Les Américains ont commis la faute de ne pas prendre en compte cet aspect de la réalité. Sachons profiter de la leçon qui nous est ainsi donnée.
Pour notre part, ce qui nous intéresse d’un point de vue pratique, ce sont les ressorts qui déterminent l’action politique de Vladimir Poutine de façon que nous en tenions compte dans nos relations avec lui.
Sans qu’il soit question d’établir une hiérarchie dans les caractéristiques psychiques du personnage, on ne peut manquer d’être frappé par son caractère profondément rationnel. (C’est pourquoi, remarquons-le en passant, toute allusion, aussi lointaine soit-elle, avec Hitler, relève du délire). On chercherait en vain, dans l’action poutinienne ce qui relèverait de l’irrationnel ou même de la simple foucade. Cette confiance en la raison inspire tout naturellement le pragmatisme dans l’action, non seulement au niveau de l’exécution, mais déjà à celui de la conception.
Cette inspiration rationnelle se manifeste parfois sous des formes que l’on n’attendrait guère. C’est, par exemple, sous cet angle que l’on peut analyser le règlement de l’affaire tchétchène. Il fut un temps où elle était en permanence sur le devant de l’actualité et où elle empoisonnait la vie de la Russie. Aujourd’hui, on n’en entend plus parler. Par quel miracle ? Si Moscou voulait à toute force soumettre à son autorité la Tchétchénie comme une simple partie intégrante de la Fédération de Russie, le risque était grand de créer une sorte d’Afghanistan intérieur toujours combattu, jamais réduit. Mais, en réalité, la Tchétchénie n’apporte rien à la Russie, si ce n’est des ennuis en exportant dans le voisinage ses ferments de révolte permanente, aggravés aujourd’hui par l’influence islamiste. La Russie ne pouvait donc ni lui donner l’indépendance (ce qui eût été de mauvais exemple), ni l’intégrer pleinement. Poutine a choisi une solution rationnelle et originale : il a sous-traité le problème à un potentat local, Kadyrov, qui fait régner son ordre impitoyable sur ses concitoyens et qui garantit à la Russie la tranquillité de l’enclave. Grozny, la capitale, en ruines à la suite de la guerre, est devenue une ville rutilante de modernité et d’activité. C’est ce qu’on appelle en jargon moderne un accord gagnant-gagnant.
Autre qualité reconnue à Vladimir Poutine, qui fait apparaître cruellement sa différence avec les dirigeants occidentaux : le sens du temps long, éventuellement très long, en direction de l’avenir comme du passé. On dit même quelquefois qu’il est visionnaire. On peut employer ce terme à la condition de ne pas le mettre en rapport avec une sorte de vision fulgurante issue d’on ne sait où et venant brusquement illuminer son esprit. A la manière de De Gaulle, son sens visionnaire est une sorte d’application à l’avenir de sa faculté rationnelle. C’est ainsi qu’il a été visionnaire à moyen terme en Syrie, non pas parce qu’il aurait deviné quels seraient les détours mystérieux du destin, mais parce qu’il avait tiré les conséquences logiques des réalités déjà en place, tenant en particulier au rôle de Bachar el-Assad.
A une tout autre échelle, son sens du temps très long se manifeste par l’idée qu’il se fait de l’histoire de la Russie. Pour lui, cette histoire est une continuité et non une série de ruptures. Le XXème siècle est un maillon entre le passé et l’avenir. C’est pourquoi il ne condamne pas globalement les réalisations du régime soviétique. En particulier, il présente la « grande guerre patriotique » contre l’Allemagne comme l’une des manifestations historiques de l’héroïsme du peuple russe éternel. Cela suscite quelques incompréhensions et fait grincer quelques dents. Poutine voit son pays non pas dans un temps délimité, celui de l’actualité présente, mais dans le Temps impassible et majestueux.
Mentionnons enfin une qualité qui relève de la morale individuelle, mais qui est aussi éminemment politique. Si l’on ose risquer une familiarité de langage, on dira qu’il est « réglo ». Il ne joue pas forcément dans la douceur, mais il joue franc jeu. Nicolas Sarkozy a opportunément rappelé que, lors de la crise avec la Géorgie, en 2008, il était allé aussitôt rencontrer Poutine. Celui-ci l’avait assuré qu’il retirerait ses chars de la zone où il avait pénétré et il avait scrupuleusement tenu parole. C’est une attitude à garder en mémoire lors de toute discussion avec le président russe.
On veut souvent nous présenter Vladimir Poutine comme un personnage inquiétant parce que mystérieux et impénétrable. La vérité, et surtout la vérité politique, est beaucoup plus simple. Il serait peut-être abusif de dire que Poutine est gaullien, quoiqu’il aime à citer le Général comme une référence, mais il est certain qu’il appartient à la même lignée que lui, celle des hommes d’Etat qui sont au service d’un idéal patriotique, donc charnel et non idéologique, rationnels et pragmatiques dans l’action, tenant grand compte des réalités pour les faire servir à leurs fins. C’est avec de tels hommes que l’on peut discuter pour construire quelque chose de solide.
A cette question, on peut répondre sans crainte de se tromper : le bien et la grandeur de la Russie. Mais cela ne saurait satisfaire notre curiosité. Il s’agit de savoir, dans la situation internationale d’aujourd’hui, quels sont les objectifs particuliers de Poutine et quelle sera son action. C’est en fonction de notre connaissance du personnage et de ce qu’il a fait précédemment que nous pouvons répondre. Répétons d’abord cette vérité de base que, sur aucun terrain sensible, les intérêts de la Russie ne s’opposent aux nôtres.
Parmi les affaires qui ont fait l’actualité ces dernières années, il en est une qu’on peut considérer comme réglée, c’est celle de la Crimée. Certains jettent les hauts cris sous prétexte que Poutine aurait violé le droit international en ne respectant pas une frontière établie. Ceux qui, comme la France et d’autres pays occidentaux, ont reconnu l’indépendance du Kosovo en violation des frontières de la Serbie, sont mal placés pour émettre une objection aussi formaliste. Mais ce qui justifie vraiment la légitimité de l’intégration de la Crimée à la Russie, c’est qu’il s’agit d’un simple retour à la réalité. Chacun sait que Kroutchev avait de sa propre autorité (caprice ou calcul) rattaché la Crimée à l’Ukraine, dont il était d’ailleurs originaire. A l’époque, cela n’avait guère d’importance, car la vraie souveraineté, sur la Russie comme sur l’Ukraine, était exercée par l’URSS. La réunion avec la Russie d’aujourd’hui s’est faite en douceur, sans un coup de feu, avec l’approbation évidente de la très grande majorité des Criméens. Cela ne préjuge donc en rien de l’attitude de la Russie dans d’autres questions frontalières.
La plus sensible, on le sait, est celle de l’Ukraine de l’Est. Les médias nous présentent l’image d’un Poutine avide d’avaler un nouveau territoire et guettant l’occasion de réaliser son noir dessein. La vérité est sensiblement différente, plus compliquée et non dépourvue de paradoxe. D’un côté, les Etats-Unis, poursuivant leur projet d’encercler la Russie au plus près, jettent de l’huile sur le feu afin de faire de l’Ukraine un Etat hostile à la frontière même de la Russie, où l’on pourrait même aller jusqu’à installer des armes de l’OTAN. Les Russes, eux, veulent au contraire préserver une ceinture de sécurité. Les Américains ont donc fortement encouragé (pour ne pas dire provoqué) la formation à Kiev d’un gouvernement anti-russe. Mais les Ukrainiens de l’Est, très favorables à la Russie et dont beaucoup se considèrent même comme russes, ont refusé d’admettre l’autorité de Kiev et ont quasiment fait sécession. Ils reçoivent le soutien sentimental d’une partie de l’opinion russe. Au milieu de tout cela, Poutine est dans une situation délicate. Il est plus que probable que, réaliste et pragmatique, il ne souhaite pas (il l’a d’ailleurs affirmé et on peut le croire) annexer l’Est de l’Ukraine, ce qui lui apporterait de graves ennuis diplomatiques et ne serait d’ailleurs pas vraiment un cadeau pour la Russie. Il ne peut pas avoir l’air d’abandonner les Ukrainiens pro-russes et il fait le service minimum en leur envoyant du matériel et quelques soldats, aussi bien d’ailleurs pour les retenir que pour les aider. En réalité, chacun sait qu’une solution moyenne est possible : une large autonomie pour l’Ukraine de l’Est. Si les Etats-Unis se désintéressent quelque peu de l’Ukraine, ce qui est dans la logique de l’évolution actuelle, le gouvernement de Kiev sera obligé d’accepter cette solution.
En Syrie, chacun reconnaît, souvent avec dépit, que c’est Poutine qui a maintenant la main. Il le doit, on l’a vu, à ce qu’il a été le premier à prendre en compte la réalité, à savoir que toute solution raisonnable passait par Bachar el-Assad, et non par son éviction en faveur de prétendus opposants non-islamistes, en fait évanescents, solution utopique proposée par les Etats-Unis et la France. Mais les faits sont têtus. Les opposants bien convenables n’existent pour ainsi dire pas, mais les barbares de l’Etat islamique sont là, ils sont devenus le danger prioritaire et ils ne peuvent pas être vaincus sans l’armée gouvernementale. La France s’obstine stupidement à exiger le départ préalable de Bachar. Poutine, qui avait déjà sauvé la mise aux Américains en convaincant son protégé de détruire ses armes chimiques, est à peu près le maître du jeu. Il choisira le moment où une combinaison à l’orientale sera éventuellement possible. Il n’est pas sûr de réussir, mais rien ne peut se faire sans la Russie.
Enfin, Poutine s’est attribué un rôle d’honneur dans une question dont on commence à parler, mais dont on ne parle pas assez, celle des chrétiens d’Orient. La religion orthodoxe, que les communistes avaient cru éradiquer, est revenue en Russie avec une force irrépressible. Le président affiche très ouvertement sa foi, et tout indique qu’il est sincère. Il a donc pris à son compte le rôle qui était celui de la France depuis François 1er, celui de protecteur des chrétiens d’Orient, et pas seulement des orthodoxes. C’est une faute non seulement morale mais pratique, surtout au Proche et au Moyen Orient, que de s’imaginer que les questions spirituelles sont secondaires, indignes de la politique sérieuse. C’est Poutine qui a compris que l’honneur et l’intérêt se rejoignaient dans la même politique et c’est lui qui sème pour l’avenir. En parallèle, Poutine est déterminé à lutter contre le péril mortel de l’islamisme. N’oublions pas l’aspect religieux de la situation actuelle, qui pose le problème de nos relations avec l’islam. Car s’il est vrai que tous les musulmans, et de très loin, ne sont pas des adeptes ou des sympathisants du terrorisme, il est non moins vrai que tout le terrorisme à l’échelle mondiale se réclame de l’islam.
Sur la scène du monde, la France a toujours eu un rôle particulier à jouer. Elle l’a amplement perdu, en particulier par la faute d’un président qui, avant de sembler opérer in extremis un virage diplomatique, s’est obstiné pendant plusieurs années à engager la France dans une impasse. Comment pourrions-nous nous résigner à cette situation? Du moins, pour notre part, pouvons-nous indiquer des voies qui nous permettraient de regagner un rang que nous méritons.
Le premier pas que nous ayons à faire est d’ordre intellectuel, presque mental. Il s’agit de rétablir notre action internationale sur ses véritables bases, c’est-à-dire de renoncer à la diplomatie idéologique pour retrouver la diplomatie des réalités. Nous sommes d’autant plus impardonnables d’avoir quitté le droit chemin que nous avons l’exemple, encore récent, du général de Gaulle qui nous a montré, par le verbe et par l’action, que la France pouvait, en appliquant des idées droites, concilier la grandeur, le prestige et la prospérité. On prétend souvent que la politique des réalités est opposée au bien et à la morale. Les faits historiques démentent impitoyablement cette illusion en illustrant le paradoxe de Pascal : « L’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête ». Dans les années trente du siècle dernier, l’angélisme moral était le pacifisme, qui a produit Hitler, le nazisme, la guerre mondiale. Aujourd’hui, l’angélisme moral est l’idéologie des droits de l’homme. Il nous a entraînés dans divers bourbiers, comme celui du Proche et du Moyen Orient, où les Etats-Unis et leurs alliés trop dociles prétendent intervenir pour imposer par les armes et sur les ruines des régimes calqués sur le modèle politique de la démocratie à l’occidentale, censé être l’aboutissement parfait de la morale universelle.
L’objectif étant, pour les Etats-Unis et pour nombre de médias occidentaux, de faire de l’Europe et de la Russie deux entités antagonistes, il était difficile de diriger l’entreprise de diabolisation contre tout un peuple. Il fallait concentrer le tir sur un seul homme, selon le très ancien principe du bouc émissaire : la mise à mort de l’animal maudit rétablirait la paix et l’harmonie à l’intérieur comme à l’extérieur de son pays.
Tout a été tenté, en particulier par un gigantesque effort de propagande ciblée. L’idéal eût été évidemment de faire porter le combat sur le fameux terrain des droits de l’homme. Mais représenter toute une population courbée sous le joug d’un tyran eût bientôt tourné au grotesque.
Dans un cas de ce genre, la manœuvre de substitution est bien connue. Il faut trouver un opposant politique brimé par le pouvoir en raison de sa lutte pour la liberté et pouvant servir de martyr symbolique. Tout ce qu’on a pu trouver comme victimes de la répression poutinienne, ce sont quelques hommes qui avaient bâti en quelques mois, sous Eltsine, des fortunes inimaginables en spoliant impitoyablement le peuple russe, à une époque d’ailleurs, où la vie des empêcheurs de voler en rond ne coûtait pas cher. Les quelques-uns qui n’ont pas compris que leur temps était révolu, l’ont payé à un prix somme toute modéré (l’expulsion ou quelques années de prison en climat peu tempéré) en comparaison des forfaits dont ils s’étaient rendus coupables. Il était difficile de les représenter comme des agneaux sacrifiés : Tout ce qu’on pourrait regretter, c’est qu’ils n’aient pas été plus nombreux à subir un sort encore plus rigoureux, mais Poutine, par réalisme, a été obligé d’oublier une partie du passé, en se contentant de donner un avertissement convaincant qui a été parfaitement compris par ceux à qui il était destiné.
Toujours sur le terrain des droits de l’homme, on a cru pouvoir dénoncer la répression contre les homosexuels. Outre que ce genre de combat a peu de chances de trouver beaucoup de sympathisants en Russie, on n’a trouvé comme exemple de brimade qu’une loi interdisant la propagande homosexuelle auprès des enfants. Comme il était difficile de réclamer bruyamment l’autorisation officielle d’une telle propagande, il fallut mettre en sourdine l’orchestration sur ce sujet.
La liste des opérations de propagande dirigées contre Poutine pourrait s’allonger indéfiniment. Citons encore celle qui visait à le représenter en mégalomane ubuesque. L’occasion en fut donnée par les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi. Il est vrai que Poutine en avait fait une affaire personnelle pour montrer au monde entier de quoi la Russie moderne était capable. On créa donc à Sotchi, presque ex nihilo, non seulement un complexe grandiose de sports d’hiver, mais une ville de congrès dotée de toutes les commodités. Il fallait donc absolument dégrader cette image en prévoyant l’échec de l’organisation des Jeux. Quelques semaines avant l’ouverture, une très longue émission de télévision, diffusée à la meilleure heure, avait comme objectif de démontrer irréfutablement que cet échec était inévitable. L’argument massue était que Sotchi, le site choisi par Poutine, présentait l’inconvénient d’être presque constamment dépourvu de neige : record d’intoxication difficile à battre. Au bout du compte, tous les observateurs objectifs reconnurent que ces Jeux furent sans doute les mieux organisés qu’on ait connus. Mais les troubles en Ukraine, opportunément lancés à la fin des Jeux, permirent de refouler ce succès hors de l’actualité.
Comme dit le sapeur Camembert, quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. C’est ce qui est arrivé à la propagande caricaturale dirigée contre Poutine. A force de le représenter en marionnette, en tyran, en grotesque ou en boutefeu, on avait presque persuadé les populations que le personnage était destiné, pour le bien de tous, à disparaître du théâtre de l’histoire. Mais les événements ont eu le mauvais goût de ne pas se dérouler selon le plan qui leur avait été assigné. Tous les commentateurs le reconnaissent aujourd’hui, fût-ce avec dépit : le président d’un pays à terre, gesticulant de façon dérisoire, s’accrochant en vain à des conceptions dépassées et condamnées, mis au ban de la communauté internationale comme trouble-fête est aujourd’hui au centre du jeu, que ce soit en Ukraine, en Syrie ou en Iran. Ce prétendu homme du passé détient certaines clés indispensables de l’avenir.
La situation internationale, avec la redistribution des rôles à laquelle nous assistons, offre à la diplomatie française un terrain d’action qui semble taillé exprès pour elle. Ces dernières années, la politique internationale menée par le duo hollando-fabiusien nous a embourbés dans des positions utopiques vouées à des échecs pitoyables qui font de nous les dindons de la farce, pour ne pas dire les cocus de l’histoire. Pensons à notre politique proche-orientale, fondée sur l’idée qu’un Bachar el-Assad diabolique était destiné à être chassé du pouvoir en quelques semaines. Pensons à notre refus de vendre les Mistral promis à la Russie, ce qui discrédite la parole de la France sur les marchés internationaux. Pensons aux sanctions servilement appliquées qui ne coûtent rien à leurs instigateurs, les Etats-Unis, alors que les mesures de rétorsion ont porté un coup très dur à notre agriculture et à notre élevage.
Aujourd’hui, plus personne ne croit que Poutine sera obligé de plier sous les diktats des Etats-Unis et de leurs alliés. Les réalistes malgré eux se résolvent à reconnaître que la Russie occupe une position de force et que tout le monde doit compter avec elle. Mais ils le font sur le reculoir en disant qu’il faut discuter avec Poutine comme on dîne avec le diable, en se munissant d’une longue cuillère. Ils maintiennent la conception d’une Europe et d’une Russie dans deux camps opposés, toujours prêts à s’affronter.
L’intérêt de la France n’est pas de se cantonner dans une position frileuse, résignée et renfrognée. Il faut répéter que toutes les conditions objectives et permanentes de la situation nous amènent à constater la complémentarité de nos deux pays, sans contrepartie négative : qui peut imaginer que la Russie ait le moindre désir et le moindre pouvoir de nous tenir sous sa coupe ou de nous imposer on ne sait quelle influence idéologique ?
C’est donc une véritable alliance sur un pied d’égalité que nous devons construire avec la Russie, et plus spécialement avec la Russie de Poutine. Non seulement les intérêts de nos pays s’en trouveraient bien, mais ces relations présenteraient un avantage stratégique majeur en arrimant solidement la Russie à l’Europe. N’oublions pas que, si Poutine, personnellement, est spontanément tourné vers l’Occident, il est aussi obligé de se tourner vers la Chine s’il doit faire face à l’hostilité occidentale. Toujours soucieux des intérêts historiques de la Russie, il mène à cet égard une politique très subtile. Ne le poussons pas à faire un choix catastrophique, pour nous.
Jouer le jeu avec la Russie de Poutine, clairement et sans arrière-pensées, telle doit être une ligne de force essentielle de notre politique étrangère. Pour nos intérêts matériels immédiats, c’est une vérité d’évidence. Mais il faut aller plus loin. Regardons la réalité en face. Au tournant du siècle, les Américains et leurs alliés (ou plutôt leurs satellites) semblaient disposer d’une puissance écrasante destinée à imposer sa loi au reste du monde. C’est l’époque où l’on parlait de « la fin de l’histoire » et d’un « nouvel ordre mondial » sous l’égide des Etats-Unis, évidemment. Aujourd’hui, ceux-ci font d’énormes efforts pour se dépêtrer de situations qu’ils ont eux-mêmes créées. Dans le même temps, la Russie de Poutine, pays d’abord en lambeaux, doté d’une armée en loques, au sens propre du terme, condamné à l’inexistence internationale et à boire toutes les humiliations, se retrouve finalement en position d’arbitre incontournable, comme on dit, disposant d’une armée performante au plus haut point. Cherchez l’erreur.
Ne nous lâssons pas de le répéter : il n’y a là nul mystère, nulle malice imprévisible du destin. Il y a simplement le fait, comme nous l’avons longuement développé, que les uns ont mené une politique fondée sur des principes faux, c’est-à-dire utopiques et idéologiques, alors que les autres, Poutine avec la complicité du remarquable diplomate qu’est Serguei Lavrov, ont appliqué des principes justes, c’est-à-dire dictés par la réalité et par la raison. On peut violer les faits pendant un certain temps, mais, comme disait le camarade Vladimir Illitch Oulianov, plus connu dans les bas-fonds de l’histoire sous le nom de Lénine, les faits sont têtus. La réalité finit toujours par se venger.
Nous sommes aujourd’hui à un tournant de l’histoire. Le destin a choisi le vendredi 13 novembre pour nous donner un terrible avertissement. Les attentats, révélateurs de réalité et accélérateurs de lucidité, ont fait apparaître, avec une évidence fulgurante, la bêtise insondable et criminelle qui consiste à mettre sur le même plan, au rang de nos ennemis, l’Etat islamique et Bachar el-Assad.
Les choses commencent à évoluer dans le bon sens, mais timidement et à courte vue. Poutine est devenu fréquentable, et presque courtisable. Les Etats-Unis traitent avec l’Iran et patientent avec Bachar. Obama semble avoir compris beaucoup de choses, au point de faire alliance avec la Russie sur le front syrien. Mais il faut malheureusement dire que, si les Républicains arrivent au pouvoir aux Etats-Unis, ils risquent, comme ils l’annoncent, de revenir à une politique étrangère dangereusement irrationnelle. Les satellites, comme il se doit, ne font rien et n’en pensent pas plus.
Dans une telle situation, où les directions à suivre sont indécises, la France, puissance objectivement moyenne, a un rôle décisif à jouer : celui d’un phare, qui apporte la lumière dans la confusion, et celui d’un moteur qui enclenche l’action. Qui d’autre qu’elle peut le faire ? Pouvons-nous compter sur « Mutti » Merkel, dont les talents de bonne ménagère politique sont indéniables, mais qui, en matière de politique étrangère, a fait paraître, dans l’affaire des « migrants », une inconsistance dangereuse ?
L’instrument qui est à notre disposition pour mener une telle politique est une alliance active avec la Russie de Poutine. Il y aurait là un axe structurant qui exercerait un pouvoir d’attraction, car les faits, au fil du temps, le renforceraient pour les mêmes raisons qu’ils ont sanctionné l’échec de la politique occidentale précédente. Les indécis seront d’autant plus amenés à suivre le mouvement que, vraisemblablement, les Etats-Unis se fatigueront de soutenir le fardeau ingrat de l’Ukraine et se détourneront progressivement de l’Europe pour tourner leurs regards vers l’Asie et le Pacifique, où ils voient leur grand champ d’action pour l’avenir.
Un ensemble constitué de la Russie et des nations du reste de l’Europe, mettant sa force au service des réalités, contribuerait grandement à éliminer la barbarie et à apporter une dose raisonnable d’équilibre et de stabilité dans une région du monde en proie à tous les déchirements. Equilibre et stabilité entre les nations, l’histoire nous dit que cela produit un fruit qui porte un nom : cela s’appelle la paix.
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Auteur inconnu
Violences anti-chrétiennes
Si l'Europe semble jusqu'à présent préservée de violences anti-chrétiennes, l'actualité récente en France met en évidence une hausse des actes de vandalisme visant des lieux de culte et des symboles chrétiens. Croix renversées, chapelles vandalisées, statues volées, églises profanées, lieux de culte tagués, hosties volées, les atteintes contre la foi chrétienne se comptent par dizaines chaque année.
Entre le 17 et le 19 février, six profanations de cimetières chrétiens ont été déplorées, les croix retrouvées brisées, jetées au sol ou dérobées. La situation est la même dans de nombreux pays d'Europe.
Moins spectaculaires, les atteintes à la conscience chrétienne se sont notamment illustrées dernièrement par la polémique autour de la présence de crèches de Noël dans l'espace public, dont certaines ont dû être retirées, comme au conseil général de Vendée en décembre.
Les réactions généralement très timides qui accompagnent les violences contre des symboles chrétiens contribuent à instaurer un climat dans lequel il ne semble pas anormal que les chrétiens soient attaqués. ∎ J: M. D.
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tiré du livre d'Eric Zemmour "le suicide Français
1er juillet 1972
La loi Pleven : la fin de la liberté d’expression en France.
Avec ce texte, la France sera, à ma connaissance, le premier pays du monde à avoir une définition aussi extensive discrimination dans ses lois pénales. Cela mérite d'être dit et dit très haut. »
Le ministre de la justice, René Pleven, plastronne. On songe à Clemenceau en 1918: « La France, jadis soldat de Dieu aujourd'hui soldat du droit, sera toujours soldat de l’idéal. » Pleven est fier de la France et de son gouvernement ; et très content de lui. Pourtant, l'idée de cette loi à réprimer plus sévèrement le racisme est venue d'un député socialiste, René Chazelle. Le ministre gaulliste l'a seulement adoptée ; mais l'Histoire l'a faite sienne. On dit la loi Plewen, et non la loi Chazelle.
Ni l'Assemblée nationale ni le Sénat n'ont tergiversé : le texte fut voté à l'unanimité par les deux Chambres. Un de ces votes consensuels dont on fait gloire à la République, alors qu’il fut un de ces scrutins à la va-vite et à main levée, dans des hémicycles aux trois quarts vides, où les rares présents s’agitent en tous sens pour tourner les clés de leurs camarades absents.
Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. Le rapporteur de la loi, Pierre Mailhé, entonne les trompettes des temps quasi messianiques : « Ce texte est l'aboutissement d'une très longue lutte menée par des hommes de bonne volonté contre certains aspects abominables des relations humaines. »
Cette fois-ci, on pense à Aristide Briand et son tonitruant guerre à la guerre » des années 1920. On s'enfonce dans les bons sentiments. Personne ne peut remonter le courant ; personne, même pas même le lettré et très conservateur président Pompidou.
La loi du I' juillet 1972 s'inscrit dans le cadre de la grande loi du 19 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Elle paraît modestement ajouter de nouveaux délits à ceux qu'énumérait déjà le Code pénal ; mais la loi Pleven est, à sa grande sœur de 1881, ce que le cheval de Troie fut aux adversaires des Grecs : une offrande funeste.
La loi de 1881 réprimait la provocation à certains crimes et délits, ces atteintes à la propriété (vol, pillage, incendie) qui scandalisaient la IIIe République libérale, quelques années seulement après la Commune. La loi du le1 juillet 1972 ajoute à la liste « la provocation à la discrimination, à la haine, ou à la violence » visant certaines personnes ou groupes de personnes « à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée ».
Les groupes de personnes désignés sont ainsi protégés contre la diffamation et l'injure, privilège qui n'était accordé par la loi de 1881 qu'aux corps constitués, armée, présidence de la République, etc. Par ailleurs, les peines, en ce cas, sont plus sévères que pour les diffamations ordinaires.
En dépit de la pureté de ses intentions, la loi est une régression. Elle introduit la subjectivité là où régnait l'objectivité ; elle condamne l'intention et non les faits; elle donne au juge le droit et le devoir de sonder les cœurs et les âmes ; de faire l'archéologie des pensées et des arrière-pensées. Elle contraint le magistrat à transgresser ce principe général du droit fort protecteur selon lequel « la loi pénale est d'interprétation strictement restrictive ». Le droit à la diffamation prévoyait une exception de vérité ; désormais, non seulement la vérité ne rend plus libre, mais elle peut conduire en prison.
On se félicita alors de cette législation antiraciste. Personne ne remarqua le glissement opéré par la loi qui n'interdisait pas seulement toute discrimination en raison de l'ethnie, de la race, de la religion, mais y joignait aussi l'appartenance ou la non-appartenance à une nation. Personne ne l'avait remarqué car personne ne l'avait réclamé. Dans l'ombre, des lobbies avaient bien œuvré. C'est l'époque où une immigration massive venue d'Afrique du Nord sert les intérêts d'un patronat du bâtiment ou de l'automobile. Le ministre de l'Intérieur, Raymond Marcellin, s'en plaint au président de la République, craignant pour l'ordre public, et reçoit cette réplique à la fois auguste et désabusée de Georges Pompidou :« C'est le patronat qui l'exige. »
Avec la référence à la nation, on passe du racisme à une notion différente, la xénophobie. Poussé à l'extrême par le législateur, le refus de la xénophobie a des conséquences pernicieuses. Désormais, un propriétaire qui ne veut louer qu'à un Français sera puni ; de même qu'un employeur qui préférera embaucher un compatriote, alors que l'Etat exclut les étrangers du recrutement de certains de ses fonctionnaires. Ce principe de non-discrimination entre Français et étranger interdit toute préférence nationale ; ruine toute séparation entre l'extérieur et l'intérieur ; sape les fondements de la notion de frontière entre le dedans et le dehors ; assimile le patriotisme au racisme ; interdit à un Français de préférer un compatriote à un étranger. La loi Pleven est potentiellement, sans que personne en ait pris conscience à l'époque, la dissolution programmée de la nation française dans un magma planétaire. C'est le retour en grâce du « genre humain » exalté par certains révolutionnaires qui finirent sur l'échafaud lorsque le temps des guerres contre toute l'Europe coalisée fut venu.
Pour faire respecter cette vérité officielle, la loi Pleven a sous-traité sa fonction répressive à des associations à qui elle a accordé des privilèges exorbitants de puissance publique. En les autorisant à saisir la justice au même titre que le procureur de la République pour tout propos déplacé, l'État leur a donné droit de vie ou de mort politique et financière sur tous les « déviants » et dissidents. Ces associations en tirent un avantage pécuniaire (indemnités quand elles gagnent le procès), idéologique et médiatique. Cette situation évoque beaucoup la défunte Union soviétique, lorsque le parti communiste et les organisations sociales qui lui étaient affiliées se chargeaient d'exercer la police de la pensée devant les tribunaux.
La loi Pleven est la mère de toutes les batailles. Sa descendance est innombrable : lois Gayssot, Taubira, Lellouche, Perben. Adoptées à la quasi-unanimité par un Parlement sommé de s'exécuter sous la pression des médias, comme les assemblées révolutionnaires l'étaient par les sans-culottes vociférants et armés de piques.
À partir de la loi Pleven, s'érige un nouveau champ du sacré : l'immigration, l'islam, l'homosexualité, l'histoire de l'esclavage, de la colonisation et de la Seconde Guerre mondiale, du génocide des juifs par les nazis. Domaine vaste, hétéroclite, qui ne cesse de s'étendre pour donner satisfaction à toutes les minorités qui s'estiment discriminées, martyrisées par la France, l'Histoire, la Nature.
Depuis qu'elles ont été consacrées par la loi Pleven, les associations antiracistes sont devenues des ligues de vertu qui défendent la nouvelle morale érigée en dogme d'État. La justice est mise au service de cette redoutable Inquisition. « Le racisme n'est pas une opinion, mais un délit »: alors que le racisme a toujours été un délit, la loi Pleven se résumera désormais à ce slogan publicitaire assené pour faire taire les grincheux et les mal-pensants, et imposer une épée de Damoclès conformiste au-dessus de toute discussion, confrontation, débat.
En 2011, jean Raspail fit rééditer Le Camp des saints', roman célèbre à sa parution en 1973 pour avoir conté le débarquement d'un million de gueux venus d'Inde sur les côtes de Provence. Dans une préface caustique, l'auteur signalait qu'un avocat consulté avait noté dans l'ouvrage quatre-vingt-sept motifs d'interdiction pénale.
L'article 1 de la loi du 29 juillet 1881 proclamait: « La presse et l'imprimerie sont libres. » Ce cri de délivrance sonnait, croyait-on, la fin joyeuse d'une longue histoire, d'un combat acharné, depuis l'Antiquité grecque, la Renaissance et les Lumières, pour que rien - pas même les dogmes religieux - n'échappe à l'examen critique et rationnel. Cette quête de la vérité exige un débat libre de toute contrainte ; c'est l'opposition des idées dans l'espace public qui féconde la pensée et entraîne le progrès intellectuel.
La rencontre entre le mouvement politically correct, né dans les universités américaines dans les années 1960, et la tradition robespierriste de l'extrême gauche révolutionnaire française a enfanté dans notre pays un monstre inédit. La liberté de pensée, d'écrire et de s'exprimer n'aura été qu'une parenthèse historique de moins d'un siècle. Les monarques absolus ont disparu ; on a seulement changé de maîtres ; mais les nouveaux ne sont pas les moins tyranniques. La presse et l'imprimerie ne sont plus libres en France.
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TROIS QUESTIONS A THIBAULT COLLIN ? PHILOSOPHE :
Le "mariage gay" peut faire exploser le mariage civil
Comment expliquer que la revendication d’un « mariage gay »puisse paraître aller de soi ?
Le vote dus pacs a été un moment d’accélération d’un processus qui vient de loin. La revendication homosexuelle utilise le vocabulaire de la politique familiale développée par l’Etat providence. Elle arrive ainsi à apparaître comme l’aboutissement de ce familialisme d’Etat, dont l’origine remonte aux débuts de la République : cette dernière dans sa rivalité avec l’Eglise, a voulu développer un discours et une politique laïques concernant le mariage et la famille.
Tant que le substrat des mœurs et resté, grosso modo chrétien, il y a eu une sorte de compromis entre l’Eglise et L’Etat sur ces questions. A partir des années 1960, L’Etat-providence, fidèle à sa volonté d’assistance des individus en souffrance, a adapté son offre à l’évolution des mœurs d’où l’éclatement du compromis.
Le "mariage gay" et l’"homoparentalité" sont revendiqués dans cette logique d’égalité des droits, qui les rend légitimes pour de nombreux citoyens. De même que la misogynie ou le patriarcat ont disparu, l’"hétérosexisme" apparaît comme le dernier bastion de l’obscurantisme à détruire pour atteindre enfin l’égalité.
En quoi, selon vous, le "mariage gay" détruirait-il le mariage civil ?
Mon hypothèse est que le mariage civil est fragile face à la revendication homosexuelle, parce qu’il a été pense de manière utilitariste sous Napoléon et qu’il a été, dés le début, envisagé surtout comme un instrument de normalisation de la société, et non pas d’abord dans sa vérité humaine et spirituelle. Les catholiques doivent-ils se battre pour sauvegarder les reliquats de l’ordre napoléonien, ou bien annoncer la Bonne Nouvelle sur le corps sexué, l’amour et le mariage ?
Est-ce à dire qu’il faudrait renoncer à défendre le mariage civil ?
Si le peuple souverain veut le "mariage gay" alors, en tant que catholique, je demande la suppression du mariage civil. Cela permettrait de clarifier le sens des mots et de montrer que seule l’Eglise assume pleinement, à travers la grâce sacramentelle, la dimension naturelle du mariage. Pas de quoi s’en réjouir, mais le constater prophétiquement !
Si le mariage devient l’union de deux individus quel que soit leur sexe, il perd sa signification d’union naturelle. . Dés lors, autant le supprimer et le remplacer officiellement par le pacs…qu’il sera devenu.
Et le Pacs n’ayant pas, en tant que tel, toute cette signification anthropologique qui est (encore) celle du mariage, cela permettrait à l’Eglise de dire que le sacrement de mariage n’a plus à être conditionné par le mariage civil, ce qui est le cas aujourd’hui en France. Les citoyens catholiques devraient rester libres de signer, ou pas, un papier qui n’aurait plus aucune valeur anthropologique, mais seulement fiscale
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Appel Monseigneur Barbarin.
Monseigneur Barbarin espérait, dans son appel du 21 juillet, que Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d'Irak, devienne «un sanctuaire, un havre de paix pour les populations civiles de toutes confessions». Aujourd'hui ce sanctuaire est tombé, les djihadistes de l'Etat islamique se sont emparés de Qaraqosh. Comme ailleurs dans les villes soumises, les églises sont occupées, les croix enlevées, les livres brûlés. La population est chassée et elle fuit: les terroristes prospèrent. Des villes kurdes sont aussi tombées, les Yazidis (communauté pré-islamique) ont été assassinés, des enfants seraient morts de soif dans le désert.
Le monde ne doit pas laisser faire. La persécution des minorités est insupportable. Chacun peut un jour devenir minorité d'un autre groupe.
Le monde ne doit pas laisser faire. La persécution des minorités est insupportable. Chacun peut un jour devenir minorité d'un autre groupe. L'autre jour, à la sortie de la messe de sympathie envers les chrétiens d'Orient à Notre-Dame de Paris, une dame et un homme en fauteuil roulant, originaires de Mossoul, m'interpellèrent et me rappelèrent ce que les juifs, quand ils avaient été chassés d'Irak, leur avaient dit: nous partons, aujourd'hui c'est samedi, mais prenez garde aussi pour vous, après samedi il y a dimanche.
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C'est une enquête spectaculaire que publie Le Monde dans son édition du 26 janvier : réalisée par Ipsos, elle indique que 74 % des Français estiment que l'islam est une religion "intolérante", et que huit Français sur dix "jugent que l'islam cherche à imposer son mode de fonctionnement aux autres". Les medias s'en sont peu fait l'écho, tout mobilisés qu'ils étaient par l'ennuyeux débat qui entoure le mariage pour tous.
Parler d'islam quand on n'est pas musulman, c'est tendu (comme disent les jeunes). Associer islam et peur, c'est brûlant. Les accusations sont vite portées et tout ça est régi par la loi pénale ; je la connais, je fais gaffe. Mais nier le réel, comme le font ceux qui prétendent qu'un enfant peut avoir deux mères, ou faire comme s'il n'existait pas, comme François Hollande qui estime qu'il n'est pas de problème qu'une absence de solution ne finisse par régler, c'est irresponsable ; on sait depuis longtemps que le progressisme consiste en un mélange d'irresponsabilité et d'illettrisme (d'illettrisme, car le savoir enracine : il fait les conservateurs).
Crise de civilisation
Si la politique suivie par les gouvernants actuels consiste à ne pas aborder les sujets qui fâchent, cela n'aura eu jusqu'à maintenant aucun effet sur leur persistance, voire leur expansion. On parle moins, aujourd'hui, de l'immigration, de la place de la religion musulmane en France ou, plus généralement, des diverses crises qui secouent le pays (crise de civilisation, crise de l'école, crise de la culture, crise de la langue, crise identitaire), et cela n'a pas pour conséquence d'améliorer le sentiment populaire à leur égard ni, évidemment, de les régler. Patrick Buisson répondra peut-être que c'est une des raisons du forage sondagier entrepris par le président et son Premier ministre, ainsi qu'un des facteurs, sinon LE facteur de crise (encore une) de confiance du peuple dans l'action de ses représentants (un autre sondage récent indiquait qu'une très forte proportion de Français, plus de 70 %, considèrent que les responsables politiques agissent avant tout dans leur intérêt personnel).
Moi, perso, je m'en fous un peu de l'islam. Comme je m'en fous un peu du mariage pour tous : viendra le temps où je pourrai répondre, comme l'a fait mon confrère Vergès dans sa dernière participation à l'émission Ce soir ou jamais, que "ce que font nos autorités morales ou politiques, je m'en fous : tout ce qui m'intéresse, c'est ma vie privée, et mon métier d'avocat". Rétorquer ça à presque toutes les questions que lui posait Frédéric Taddeï, ça ne manquait pas de panache. Mais je suis un patriote inquiet, tout ce qui concerne les environs de Versailles me concerne et la religion musulmane est la deuxième de France. Elle ne l'est pas par l'histoire, elle ne l'est pas par la place qu'elle a prise dans la construction du pays, elle l'est par la population. Il est évident que les Français se réclamant de cette confession doivent être respectés au même titre que tous les autres, car ici tous les hommes "naissent et demeurent libres et égaux en droits". Cela ne doit pas empêcher de voir ce que nous voyons sans chausser les verres occultants de l'idéologie wierviorko-plénelienne.
Faces de craie
Quel constat peut-on poser sans langue de bois ? Qu'il y a un problème, aujourd'hui, d'absorption de l'islam par la France. Que la situation est celle d'une cohabitation plus que d'un vivre-ensemble. C'était à prévoir : on ne fait pas entrer 200 000 personnes par an sur un territoire donné sans heurts. Il en découle un bouleversement démographique dont le produit est imprévisible, et qui sera peut-être un changement de civilisation. Car la question se pose davantage des enfants de l'immigration que de leurs parents : n'est-il pas troublant de voir des jeunes gens parler des "Français" sans s'y inclure alors qu'ils en sont ? Qui peut accepter que soient légion, dans des centaines de collèges et de lycées, les insultes francophobes ou racistes à l'encontre des Blancs ? Comment peut-on accepter que des enfants soient traités de "faces de craie" ? Ne peut-on pas regretter que ces faits ne soient pas condamnés avec plus de vigueur et de visibilité par les musulmans modérés ?
Lorsque des intégristes catholiques viennent prier d'une façon grotesque devant l'Assemblée nationale, Canal+ est là pour les moquer dans les plus brefs délais, et toute l'intelligentsia avec, notamment des catholiques. Or, aujourd'hui, au pays de Voltaire, plus personne n'oserait monter la pièce Mahomet. N'y a-t-il pas de quoi être inquiet quand on sait, par exemple, que le cheikh Al-Qaradaoui, qui fut accueilli avec vénération par les manifestants de la place Tahrir pendant toute la révolution égyptienne, s'est rendu célèbre par des propos d'une grande violence contre les juifs, contre leur "arrogance", estimant qu'Hitler leur avait "administré une bonne leçon" ? Pourquoi les medias font-ils comme s'il ne se passait rien ? Pourquoi n'entend-on pas Christiane Taubira user de son éloquence, remarquable (reconnaissons-le), pour dénoncer cela ? Le prétexte de l'utilisation du problème par l'extrême droite et de la peur de la stigmatisation n'est que l'expression d'un manque de courage.
La France manque d'un chef
La place de l'islam en France ne peut être traitée ni par le rejet inconséquent d'une partie de la droite ni par la faiblesse coupable d'une partie de la gauche. C'est une des questions majeures qui sont posées en ce début de siècle à quiconque a encore un peu d'espoir pour le pays de Saint Louis, et qui croit que le pouvoir politique peut encore quelque chose. Car la mondialisation libérale s'en moque : que nous sombrions en tant que peuple, que nous n'ayons plus de destin commun, que ne continue pas ce qui a été entrepris depuis six ou sept siècles n'a aucune importance du moment que les échanges commerciaux continuent.
La jeunesse d'aujourd'hui, hélas, est comme ça et il sera intéressant de voir si les responsables politiques, funestement, s'y adaptent : elle ne veut plus de frontières, elle ne prendrait pas les armes pour les défendre, elle préfère quitter le navire plutôt que d'essayer de le faire échapper au naufrage. En un sens, elle est lâche et individualiste, c'est-à-dire en phase avec son époque. Il sera intéressant de voir si, dans dix ou vingt ans, les mots de Malraux ou d'Ernest Renan résonnent encore dans les discours électoraux. La candidate Joly a entamé le mouvement, en 2012, avec sa campagne totalement dénationalisée : les Verts sont parfois les alliés des grandes compagnies pétrolières.
La France manque d'un chef, d'un cap, d'une envie, d'un désir. Elle ne fait plus écouter Rameau, lire Ronsard ou entendre Racine à ses enfants, qui s'éloigneraient peut-être des vociférations rappeuses s'ils s'imbibaient de ce triptyque en R. Elle ne leur fait plus voir Poussin, ils préfèrent le street-art et le Palais de Tokyo s'adapte. Elle ne leur promet rien, ne parle que de dialogue social, c'est-à-dire de chômage, et n'exige rien d'eux. À quels enfants la laissons-nous ? Elle ne se vit plus comme une nation fière, comme une vieille terre glorieuse, forte, auréolée de mille victoires, militaires et architecturales, musicales, littéraires. Elle ne sait pas comment combattre dans la globalisation, son État colbertiste s'accordant mal avec les principes européens de concurrence libre et non faussée. Et, fille aînée de l'Église, elle a un peu de mal avec l'islam, qui a un peu de mal avec la laïcité telle qu'on la conçoit ici. Sauf que parler de laïcité pour l'appliquer à l'islam ne sert à rien : il faut retrouver, collectivement, un chef, un cap, une confiance, une envie, un désir.
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Au XVIIIe siècle, Rousseau, qui mit ses cinq enfants à l'asile pour écrire en paix Émile ou de l'éducation, reprendra cette théorie du modelage par l'éducation. « On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l'éducation », écrit-il. Et on leur fera croire qu'ils sont libres: « Qu'il croie toujours être le maître, et que ce soit vous qui le soyez. Il n'y a point d'assujettissement si parfait que celui qui garde l'apparence de la liberté; on captive ainsi la volonté même».
La malléabilité de l'enfant dont l'éducateur fait ce qu'il veut: c'est la deuxième grande idée de l'utopie pédagogiste. Comment l'enfant apprend-il, alors que son intelligence, on l'a vu, est supposée être passive? Pour Érasme, l'enfant apprend par les mots, pas par les idées. Selon Coménius, pasteur tchèque du XVIIe siècle, l'esprit de l'enfant est un vase que le professeur remplit de son savoir. Rousseau, pour qui les idées découlent des sensations, affirme de son côté que l'enfant n'apprend que par intérêt.
UN SIÈCLE DE RELATIONS ENTRE L'EGLISE ET L'ETAT FRANÇAIS
1901. Vote d’une Loi sur la liberté d'association comportant un ensemble de mesures discriminatoires contre les congrégations religieuses.
1902-1905 Emile Combes, président du Conseil, refuse toutes les demandes d'autorisation présentées par les congrégations et fait expulser vingt mille religieux. En plus il fait confisquer tous leurs biens.
1904, Vote d’une loi qui interdit l'exercice de tout enseignement aux religieux. Emile Combes, toujours lui, rompt les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège.
9 décembre 1905, La loi de séparation entre l'Eglise et l'Etat est votée et met fin au régime du Concordat de 1801. Les prêtres ne recevront plus de traitement de l'Etat. Les diocèses pourront conserver une partie de leurs édifices à condition de créer des «associations cultuelles» soumises à l'Etat.
11 février 1906 Le pape Pie X demande aux catholiques de France de ne pas constituer ces associations. 1906-1909 L'Eglise perd une partie de son patrimoine, mais devant le risque de troubles graves entre les fidèles et les autorités, le gouvernement autorise l'utilisation des lieux de culte sans formalités. Localement, des ajustements jurisprudentiels assouplissent le régime de la loi.
1914-1918 La guerre entraîne un apaisement dans les relations entre l'Eglise et l'Etat.
1918 L’Alsace-Moselle, redevenue française, souhaite rester sous le régime du Concordat de 1801, ce qui lui est accordé. Ses prêtres recevront donc un traitement de l'Etat.
1921 Les relations diplomatiques sont rétablies entre la France et le Saint-Siège.
1923 Le pape Pie XI accepte la constitution d'«associations diocésaines», qui restent sous l'autorité des évêques. Les dernières mesures anticléricales sont peu à peu abandonnées. L’anticléricalisme sera remplacé par une ignorance du fait religieux, avec quelques rares cas d'affrontement direct entre l'Eglise et l'Etat, comme en 1984, lorsque le gouvernement socialiste a voulu supprimer l'Enseignement libre. -
8 • Famille Chrétienne n° 1258 du 23 février au 1er mars 2002
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Vatican II
Le 11 octobre 1962. Dans la nef de la basilique Saint-Pierre, près de deux mille cinq cents évêques, supérieurs religieux et théologiens - comme le Pr Joseph Ratzinger, venu de Bonn -
se retrouvent à l'appel du pape. Si Jean XXIII a fixé le cap -un « aggiornamento » de l'Église, à savoir une « mise à jour», pas une révolution -, c'est encore l'inconnu concernant la méthode et la destination finale.
Avec l'ouverture du 21e concile oecuménique, s'ouvre aussi pour l'Église une période de fortes turbulences. Car les documents du Concile, souvent mal compris et mal connus, auront bien du mal à parvenir intacts aux fidèles (lire p. 21, « Ce qui a faussé la réception du Concile »). Tel avait d'ailleurs déjà été le cas pour le concile de Trente. De Vatican II, le plus souvent, il ne restera que des idées reçues (cf. p. 14-20). Une lecture maximaliste s'est propagée, servie par une médiatisation sans précédent. Vatican II aurait été une sorte de commencement absolu : un point de départ à dépasser pour les uns; un point de non-retour à condamner pour les autres. Ce parasitage sera la cause de bien des dégâts et d'une terrible rupture (lire p. 17, « Comment résorber la fracture »).
Pour le futur Benoît XVI, cette interprétation est évidemment catastrophique. Il en fait l'expérience amère dès son retour enAllemagne, en 1965. Car cette volonté de rupture remet en cause la Tradition de l'Église, et pour lui, aggiornamento n'a jamais été synonyme de révolution. Il s'agissait plutôt de dire les vérités éternelles avec des mots nouveaux.
Cinquante ans après, FC a voulu relire cet événement avec les yeux de celui qui est devenu BenoîtXVI. Avec un principe simple, exprimé par le pape en 2005: une volonté de continuité, de renouer les fils entre la grande Tradition de l'Église et le Concile. Lequel a été précisé par la suite par le Magistère des différents papes, auquel le cardinal Ratzinger a lui-même beaucoup contribué aux côtés de Jean-Paul II.
Quand « l'esprit du Concile » voit ses derniers feux s'éteindre, le temps estvenu d'en faire une lecture apaisée. Fruits d'une époque qui semble déjà lointaine - marquée par des rêves de croissance et l'illusion de vivre encore en chrétienté-, ces documents recèlent encore des indications précieuses pour aujourd'hui (lire notre entretien avec un jeune évêque qui a l'âge du concile, p. 14-15). Notamment tout ce qui concerne l'appel universel à la sainteté (des laïcs et des clercs!), et en particulier pour les familles (lire p. 36-38). Sans oublier la place de la Vierge Marie dans le Concile (lire p. 30-31), autre aspect méconnu et pourtant fondamental pour l'avenir de l'Église. • Samuel Pruvot
« QUE D'ÉNERGIE DÉPENSÉE À TOUT RÉINVENTER! »
Depuis cinquante ans, le débat sur l'interprétation du Concile fait rage. Mgr Nicolas Brouwet a l'âge de Vatican II. Ce jeune évêque de Lourdes se situe dans l'optique voulue par Benoît XVI: la continuité, et non pas la rupture.
Vous êtes né en 1962, vous avez donc l'âge du Concile. Vous êtes aussi un jeune évêque puisque vous avez été ordonné en 2008... Comment Vatican II vous a-t-il marqué?
Je suis né effectivement quelques semaines avant l'ouverture du Concile. J'en avais beaucoup entendu parler pendant mon enfance et mes années d'études mais je n'ai commencé à en lire
les textes qu'en entrant au séminaire. Cela a été une véritable révélation. Au séminaire, nous avons été éblouis par la beauté et la profondeur des constitutions conciliaires et la vision théologique qui s'en dégageaient : une vision d'abord trinitaire et christocentrique de l'Église et de la personne humaine appelée à la communion et à la sainteté. C'est dans ce climat que nous avons fait nos études de théologie à Rome, illuminés par la splendeur divine que ces textes révélaient.
Durant ces années, le Concile nous a été présenté et commenté, non comme un enseignement totalement nouveau, mais comme la continuité d'une réflexion enracinée dans la Tradition vivante de l'Église. Il n'y a qu'à lire l'édition qui contient toutes les notes et les références pour le comprendre.
Dans son discours à la Curie en 2005, Benoît XVI s'est opposé à la lecture du Concile vu comme une rupture avec la Tradition de l'Église. A-t-on alors franchi une étape dans le débat sur Vatican II qui agite l'Église depuis cinquante ans?
Je crois que le discours du pape nous a autorisés à sortir de ce qu'il a appelé «l'herméneutique de la discontinuité et de la rupture», qui a désorienté l'Église dans les années qui ont suivi le Concile.
Lire un concile comme un commencement absolu, comme une remise en cause de ce qui avait été fait avant, comme un passage de l'ombre à la lumière, a été non seulement une erreur de méthode, une véritable contradiction dans les termes, mais également contre-productif : que d'énergie dépensée à tout réinventer!
En faisant cette lecture on est passé à côté de l'ample vision théologique des constitutions, pour demander aux écrits conciliaires de donner des réponses qu'ils ne pouvaient pas fournir à des interrogations pastorales angoissées. On voyait un monde s'écrouler : il a peut-être été rassurant, à ce moment-là, de se dire qu'il suffisait de faire du nouveau pour sauver ce qui pouvait l'être encore. D'où « l'herméneutique de la discontinuité ».
« Lire le Concile comme un commencement absolu, le passage de l'ombre à la lumière, a été contre-productif. »
Benoît XVI parle aussi d'une « bonne semence » qui a germé sans faire de bruit. Où la voyez-vous aujourd'hui dans l'Église en France?
Vous connaissez le proverbe « Un arbrequi tombe fait plus de bruit que cent arbres qui poussent».
Nous sommes tentés de voir d'abord ce qui ne va pas. En l'occurrence, le nombre des pratiquants qui a considérablement chuté en cinquante ans; et, de manière concomitante, la baisse du nombre de baptêmes, de mariages, d'ordinations...
Dans le même temps, comme l'a dit le pape, des semences ont germé : la place de la parole de Dieu dans l'enseignement de la théologie et dans la vie spirituelle des chrétiens, l'engagement des fidèles laïcs non seulement dans la vie de l'Église mais aussi et surtout dans l'évangélisation du monde, l'approfondissement de la théologie du mariage et de la famille, le renouveau de la liturgie - même si un grand chemin reste à parcourir -, la naissance de communautés nouvelles, le dialogue cecuménique, la redécouverte de la piété populaire, le travail collégial entre les évêques, l'approfondissement du ministère diaconal...
Un des aspects qui pose le plus de problèmes depuis cinquante ans est celui du rapport de l'Église au monde. Hier perçu comme très positif, une partie des jeunes catholiques le ressentent davantage aujourd'hui comme une menace (voir «Idée reçue n° 1 » en page de gauche). Comment vous situezvous en tant que pasteur?
Après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de croissance économique et de sécularisation, il fallait évidemment approfondir et même repenser les rapports de l'Église avec le monde afin de mieux définir sa mission. On a proposé, dans cette logique, de regarder le monde avec ce qu'il portait en lui de semence de l'Évangile. Au lieu de condamner le monde, on devait discerner ce qui, en lui, était non seulement une aspiration à l'Évangile mais également l'Évangile déjà en oeuvre, l'Évangile déjà réalisé, un Évangile déjà présent dans le coeur de l'homme sans qu'il le sache, une appartenance silencieuse au royaume de Dieu qui ne passait pas par la médiation visible de l'Église.
Il est vrai qu'il y a, dans le coeur de tout homme, une attente de Dieu, comme l'écrivait la philosophe Simone Weil, une aspiration à la vérité de l'Évangile tout simplement parce que l'Évangile est l'ultime réponse aux questions de l'esprit humain. Il y a aussi, dans tout homme, une image de Dieu jamais totalement défigurée et une capacité d'aimer qu'il faut reconnaître et valoriser. Il me semble que cette reconnaissance, ce regard sur le monde - porté en particulier par l'Action catholique et les prêtres ouvriers - est un acquis qu'il ne faut pas perdre. Il nous aide à toujours garder notre espérance.
Mais la question a été biaisée, à mon avis, par un défaut de perspective. Ce qu'on contemplait dans ce monde en voie de sécularisation, au moment du Concile, c'était les reliquats d'une évangélisation qui avait produit ses fruits dans la culture etdans les structures delavie sociale. Ce n'était pas d'abord un homme chrétien sans le savoir que l'on approchait. Mais un homme appartenant à une société qui avait reçu l'Évangile. On récoltait le fruit d'un lent travail apostolique : de générations d'enfants catéchisés, scolarisés et éduqués par nos paroisses et nos écoles catholiques, d'adultes accompagnés dans des mouvements, des confréries et des associations professionnelles, même si ces adultes ne fréquentaient plus l'Église. C'était comme si on était dans la queue d'une comète: dans un monde en disparition qui ne voulait plus se confesser chrétien mais qui l'était encore sous bien des aspects.
Est-ce la raison pour laquelle les jeunes générations ne se retrouvent plus dans les discussions si tendues qui ont agité leurs aînés au moment du Concile?
Les circonstances ont bien changé en cinquante ans. Àl'heure actuelle, le message de l'Évangile n'est plus véhiculé par la culture ou les structures sociales. On ne peut plus penser que l'Évangile va se répandre comme de lui-même. Il n'ya qu'à constaterle désengagementvis-à-vis du mariage, le retour des formes de paganisme avec l'astrologie et la voyance, les changements culturels induits par Internet chez les jeunes. Nous sommes face à une fracture anthropologique. On n'a plus le même regard sur la personne humaine et sur le sens de son existence, de son accomplissement. Là où l'Évangile dit don, communion, appel, grâce reçue, la culture actuelle répond protection des droits, libertés individuelles, indépendance et autosuffisance.
Voilà pourquoi un approfondissement anthropologique est nécessaire : pour comprendre comment l'Évangile s'adresse à l'homme, comment il vient à la fois le chercher dans son humanité et porter cette humanité à son accomplissement dans le Christ et dans la grâce, dans l'ordre surnaturel pour lequel elle
est faite: «Dieu le Père nous a d'avance destinés à devenir pour Lui des fils par JésusChrist: voilà ce qu'Il a voulu dans sa bienveillance» (Éph 1, 5).Orlestextes
conciliaires, dans leur profondeur, nous donnent précisément les moyens de répondre à ce défi. C'est l'enjeu, me semble-t-il, du prochain synode sur l'évangélisation. •
Propos recueillis par Aymeric Pourbaix

Cinq idées reçues sur Vatican II
L'Église s'est rendue à l'esprit du monde»
Pourquoi la question se pose ?
Cinquante ans après, règne encore un malentendu sur le nouveau rapport entre l'Église et le monde: l'Église se serait-elle «adaptée», reconnaissant son supposé «archâisme», et reniant sa mission de proclamer la Vérité? Alors que le fonctionnement des conciles précédents était de condamner des hérésies, Jean XXIII avait annoncé « préfèrer recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité ».
Ce que dit le Concile
Dans Gaudium et spes :« De même qu'il importe au monde de reconnaître l'Église comme une réalité sociale de l'Histoire et comme son ferment, de même l'Église n'ignore pas tout ce qu'elle a reçu de l'Histoire et de l'évolution du genre humain » (§ 44).
Pour autant, le même document «réprouve avec douleur»l'athéisme contemporain,
«ces doctrines funestes qui contredisent la raison et l'expérience commune » (§ 21). Enfin, Gaudium etspes, la quatrième constitution conciliaire, ne peut être bien comprise qu'éclairée par Lumen gentium, la constitution qui définit l'Église et son caractère missionnaire.
Ce que dit le cardinal Ratzinger
« Ceux qui espéraient qu'à travers ce "oui" fondamental à l'époque moderne, toutes les tensions se seraient relâchées et que "l'ouverture au monde"ainsi réalisée aurait tout transformé en une pure harmonie, avaient sous-estimé les tensions intérieures et les contradictions de l'époque elle-même. [..] Mais à notre époque, l'Église demeure "un signe de contradiction"» (Entretien sur la foi,1985).
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Cinq idées reçues sur Vatican II
«Le Concile n'est pas doctrinal mais uniquement pastoral»
Pourquoi la question se pose
Puisque le Concile a été qualifié de «pastoral» par Jean XXIII, puis Paul VI, et qu'il a refusé de se prévaloir du sceau de l'infaillibilité, alors il n'obligerait pas lesfidèles à une même adhésion que les conciles précédents.
Ce que dit le Concile
«Dans le concile œcuménique qui les rassemble, [les évêques]font pour l'ensemble de l'Église, en matière de foi et de moeurs, acte de docteurs et de juges, aux définitions desquels il faut
adhérer dans l'obéissance de la foi » (Lumen gentium, § 25).
Ce que dit le cardinal Ratzinger
« Vatican Il est fondé sur la même autorité que Vatican I et le concile de Trente. Quiconque accepte Vatican affirme en même temps toute la tradition ininterrompue de l'Église catholique et en particulier les deux conciles précédents. Quiconque nie Vatican Il nie l'autorité qui soutient les deux autres conciles et l'abolit dans son principe même. Ici, tout choix particulier détruit le tout qui ne peut exister que comme une unité indivisible. » (Entretien sur la foi). Le cardinal Ratzinger a ajouté dans l'nstruction Donum veritatis (1990), avec beaucoup de bon sens et de réalisme, que l'assentiment de la foi est dû aux documents magistériels (et un concile aecuménique relève du magistère suprême de l'Église) et que d'autre part, il peut comporter des éléments plus faibles ou d'une formulation pas absolument aboutie, et que lejuge de paix est alors le discernement permis par l'Histoire.
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COMMENT RÉSORBER LA FRACTURE?
Devant l'urgence de l'évangélisation, l'unité autour du pape est essentielle.
« Personne ne peut nier que la réception du Concile s'est déroulée de manière plutôt difficile. » -C'est Benoît XVI qui parle- son discours à la curie romaine en 2005-, appuyant à l'endroit où cela fait encore mal. II parle de son expérience personnelle. Cinquante ans après, devenu pape, il s'est donné pour mission de résorber cette fracture. Benoît XVI parle de «rupture» et de «discontinuité» pour décrire tous ceux qui estiment que le monde s'arrête ou commence à Vatican Il. Les uns et les autres se trompent, selon Mgr Jean-Pierre Batut. À Lyon, il a été chargé de superviser la Maison Sainte-Blandine qui accueille desjeunes de tous les diocèses sensibles à la forme extraordinaire du rite romain. «On présuppose que le Concile et la grande Tradition de l'Église sont brouillés. Ce jugement provient de ceux qui refusent le Concile au nom de la Tradition et de ceux qui voient en lui une ère totalement nouvelle dans l'Histoire de l'Église. » Contrairement aux idées reçues, rarement un concile a autant invoqué la Tradition. «Il faut comprendre le sens du mot "aggiornamiento'; qu'utilisa Jean XXIII, et qui se traduit par "mise à jour" ; ou par "mise au jour", reprend Mgr Batut. Or on ne met à jour que ce qui ne l'est plus, et on ne met au jour que ce qui était enfoui, oublié. De ce point de vue-là, le Concile a été un retour aux sources vives de la pensée patristique, pour la purifier de ce que le temps avait pu édulcorer, ou falsifier. En cela, le Concile s'est fait l'héritier de la grande redécouverte de la patristique au XIXe siècle par des théologiens comme Newman. » Le climat est désormais favorable à la réconciliation. «Si on se concentre sur les dfférentes sensibilités, sur notre nombril, cela ne risque pas défavoriser l'unité! Mais si chacun est convaincu que l'Église doit évangéliser, alors tout le monde travaillera ensemble. » Il ajoute: « Le travail du pasteur est d'amener tout le monde à accepter qu'il n'y a pas une manière univoque d'être catholique ». Une conviction partagée par Mgr Patrick Chauvet, qui propose à l'École cathédrale de Paris «une nouvelle lecture de Vatican II »:« Plus on entrera dans l'enseignement de Benoît XVI, plus on arrivera à s'accepter comme dfférents mais avec un seul père. » Soit une seule référence: le pape.
JOSEPH RATZINGER ET LE CONCILE: UN ITINÉRAIRE
Après avoir été expert au concile aux côtés du cardinal Frings, Joseph Ratzinger, de retour en Allemagne, observe que le Concile est appliqué en dépit du bon sens. Il s'en souviendra lorsqu'il sera à Rome, comme cardinal, puis comme pape.
E n 1965, voilà le Père Joseph Ratzinger professeur de théologie dogmatique à l'université de Tübingen. Il constate très vite le malaise qui règne dans l'Église, qu'il évoque dans son discours au Katholikentag de Bamberg, en 1966 (". Personne n'est satisfait, remarque-t-il en substance: les traditionnalistes pensent qu'on est allé trop loin, les progressistes, qu'on s'est arrêté au milieu du gué. « Pour les uns le Concile a fait beaucoup trop peu, il est resté à mi-chemin, il n'est qu'un ensemble de compromis plein de précautions (...]. Pour les autres,
il est un scandale, l'Église est livrée à l'esprit néfaste d'une époque qui ne connaît plus les choses de Dieu parce qu'elle s'est obstinément enferrée dans les choses de la Terre. Ils voient, avec consternation, ébranlé ce qu'il y avait pour eux de plus sacré».
Des dérives liturgiques
Qu'en conclut le jeune professeur? D'abord que le Concile lui-même n'est pas en cause, mais son interprétation. « Vatican II est fondé sur la même autorité que Vatican I et le concile de Trente: c'està-dire le pape et le collège des évêques en communion aveclui », rappelle-t-il 1". Il souligne également l'«étroite continuité» de Vatican II par rapport aux conciles précédents, dont il reprend « certains points décisifs ».
Joseph Ratzinger reviendra sans cesse sur cette notion de continuité, comme théologien, comme cardinal, et comme pape. « Il faut s'opposer à tout prix à cette vue schématique d'un avant et d'un après dans l'Histoire de l'Église (...]. Il n'y a pas d'Église "pré" ou "post" conciliaire: il n'y a u'une seule et unique Église qui marche vers le Seigneur [...]»'3'
Or, si le Concile s'inscrivait dans la Tradition de l'Église, la façon dont il fut appliqué fit croire que c'était une révolution. E un des points les plus délicats aux yeux de Joseph Ratzinger est la réforme liturgique. Certes il approuve la messe en langue vernaculaire: « La langue ne doit pas voiler mais découvrir, elle nesignifie pas isolementdans le silence de la prière individuelle mais approche les uns des autres pours'unir dans le "nous"des enfants de Dieu qui disent ensemble le Notre Père ».
En même temps, quatre ans avant la promulgation du nouveau Missel (1969), il met en garde contre certaines dérives de la « participation active » à la messe, qui conduit à une « créativité déplacée ». Autrement dit: toute la liturgie, mais rien que la liturgie.
Le théologien qu'il est regrette que l'on ait interdit l'ancien Missel, cela « a opéré une rupture dans l'Histoire liturgique, dont les conséquences ne pouvaient quêtre tragiques». Les conséquences? «Les choses allèrent plus loin que prévu: on démolit le
Cinq idées reçues sur Vatican II
«Le Concile a fait des prêtres des hommes comme les autres»
Pourquoi la question se pose Face à la raréfaction des prêtres en Europe, certains trouveraient tentant de proclamer prêtres et laïcs interchangeables en invoquant les textes du Concile.
Ce que dit le Concile
Le chapitre 5 de Lumen gentium souligne que tous les membres de l'Église participent au «sacerdoce commun » au nom de leur baptême. Les laïcs partagent donc avec le pape, les évêques et les prêtres, la responsabilité de la mission, et sont, comme eux, appelés à la sainteté.
Dans le « décret sur le ministère et la vie des prêtres », Presbyterorum ordinis, le Concile opère un repositionnement. La figure du prêtre est recentrée sur celle du Christ. Les prêtres sont présentés d'abord comme «ministres de la parole de Dieu »(§ 4), [ils] ont pour premier devoir d'annoncer l'Évangile «à tous les hommes » et d'être « ministres des sacrements et de l'eucharistie» (§ 5). Ils sont « chefs du peuple de Dieu, exerçant, pour la part d'autorité qui est la leur, la charge du Christ Tête et Pasteur » (§ 6).
Ce que dit Benoît XVI
Le pape a rappelé le rôle central le 21 septembre lors de la visite ad limina des évêques français des provinces de l'Ouest: « ll est donc nécessaire que dans les réorganisations pastorales, soit toujours confirmée la fonction du prêtre ».
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vieil édifice pour en construire un nouveau, certes en utilisant largement le matériau et les plans de l'ancienne construction ». Mais interdire - de fait - l'ancienne liturgie eut pour résultat de l'opposer à la nouvelle, d'une part, et de faire apparaître celle-ci « non plus comme un organisme vivant mais comme le produit de travaux érudits», en un mot comme «fabriquée» de toutes pièces.
Dix ans plus tard, en 1979, devenu doyen de l'université de Ratisbonne, Joseph Ratzinger est invité à faire un bilan de la réception du Concile. Il tient à en souligner les résultats positifs: «Le Concile [ ...] a rattaché au grand ensemble de la foi une mariologie isolée. Il a rendu à la parole biblique la plénitude de son rang [es catholiques avaientdu retard sur ce plan par rapportaux protestants, Ndlr]. Il a rendu la liturgie à nouveau accessible. (...] il a fait un pas courageux dans le sens de l'unité des chrétiens ».
Mais il ne néglige pas pour autant les aspects inquiétants : l'hémorragie des vocations (qui a commencé dès la fin des années 50), et aussi la tendance qu'ont certains hiérarques catholiques à s'auto-accuser, à accabler l'Église de tous les maux. Joseph Ratzinger regrette que tous les acquis du passé soient systématiquement considérés comme du « triomphalisme». Il écrit: «À cet émondage tortionnaire de ce qui est propre à l'Église s'unissait une volonté presque angoissée de prendre systématiquement au sérieux tout l'arsenal des accusations portées contre l'Église et de n'en rien négliger ».

Cinq idées reçues sur Vatican II
Le Concile a aboli l'idée selon laquelle "Hors de l'Église, point de salut"»
Ce que dit le concile
« L'Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions [non chrétiennes]. Elle considère avec respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu'ils dffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes » (Nostra aetate, § 2).
Pourquoi la question se pose
Parce qu'on oublie souvent l'autre aspect de cette question du Salut: il peut certes y avoir des éléments de sanctification et de vérité hors des structures de l'Église, mais le Concile précise aussi que «cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c'est dans l'Église catholique qu'elle se trouve (subsistit in).» (Lumen gentium, § 8).
Ce que dit le cardinal Ratzinger
«II existe une unique Église du Christ, qui subsiste dans l'Église catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques avec lui. [..]Affirmer l'union inséparable entre Église et Royaume ne signe cependant pas que le royaume de Dieu s'identifie avec l'Église dans sa réalité visible et sociale. » En effet, on ne doit pas oublier «l'action du Christ et de l'Esprit Saint hors des limites visibles de l'Église», rappelle le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi dans Dominus Jesus (2000).
Famille Chrétienne n' 1813 du 13 au 19 octobre 2012 - www.famillechretienne.fr
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Cette analyse que le théologien fit du Concile et de sa réception explique en partie son action comme cardinal et comme pape. Plusieurs exemples l'illustrent. En 1992, Rome publie le Catéchisme de l'Église catholique, résumé de l'enseignement de l'Église en matière de foi, de morale, de dogme, élaboré selon le même plan que celui du concile de Trente (XVIe siècle). « Un exposé global (compendium) de toute la doctrine catholique, tant sur la foi que sur la morale, [ ...] biblique et liturgique, présentant une doctrine intégrale et en même temps adaptée à la vie ctuelle des chrétiens », résumera Jean-Paul II.
Sa publication fit grincer quelques dents: certains le trouvèrent trop conservateur-1 Acat (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) regrettera par exemple qu'il ne condamne pas totalement la peine de mort -, d'autres trop « libéral » et fidèle à Vatican II (sur ce dernier point, ils avaient raison). Preuve qu'il était nécessaire...
En 2000, c'est la proclamation de Dominus Jesus, importante déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi (présidée par le cardinal Ratzinger) surl'unicité etl'universalité salvifique dé jésusChrist et de son Église. Elle réaffirme que l'Église catholique est la seule source du Salut pour l'humanité. En effet une lecture erronée du Concile ( voir « Idée reçue n'4 », p. 19), avait fait dire à certains que toutes les religions se valaient plus ou moins, qu'elles pouvaient être sources du Salut et que, comme Dieu est Amour, Il ne laisserait personne sur le bord du chemin...
Or le Concile n'affirmait rien de tel, mais seulement un principe vieux comme le catholicisme : l'accueil de toutevérité, d'où qu'elle vienne, et quel que soit celui qui la profère.
Et Vatican III ? Faudrait-il un nouveau concile ? À Peter Seewald qui lui pose la question dans Lumière du monde, Benoît XVI répond avec sa diplomatie coutumière que ce n'est pas l'urgence du moment. Commençons d'abord par digérer Vatican II! Charles-Henri d'Andigné
(1) Mon concile Vatican Il (Artège). (2) Entretien sur lofoi (Fayard). (3) Ibid.
Cinq idées reçues sur Vatican II
«Le Concile a réduit l'autorité du pape»
Pourquoi la question se pose, L'autorité du pape aurait été battue en brèche à cause de la collégialité des évêques mise en place par le Concile, entend-on parfois. Comme si les évêques étaient là pour contrebalancer un pouvoir excessif, à l'image du système de séparation des pouvoirs.
Ce que dit le Concile
Le concile Vatican I, interrompu par la guerre en 1870, avait affirmé la primauté de l'évêque de Rome et défini son infaillibilité personnelle en matière de foi et de maurs. Restait à compléter cette doctrine – sans la contredire en évoquant le rôle des évêques, ce que fit Vatican Il. « Pour que l'épiscopat lui-même fût un et indivis. ll [le Christ] a mis Pierre à la tête des autres Apôtres, instituant, dans sa personne, un principe et un fondement perpétuels et visibles d'unité de la foi et de communion. Cette doctrine du primat du pontife romain et de son infaillible magistère, quant à son institution, à sa perpétuité, à sa force et à sa conception, le saint concile à nouveau la propose à tous les fidèles comme objet certain de foi » (Lumen gentium).
Ce que dit le Père Ratzinger
« Pierre occupe une position particulière au milieu des Douze, conformément à la mission spéciale que le Seigneur lui a assignée, si bien qu'il reçoit une fonction indépendante de la "collégialité" Mais [le concile] a souligné aussi que Pierre restait l'un des Douze, qu'il se situait non pas à l'extérieur, mais à l'intérieur de la communauté » (Mon concile Vatican /1).
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CE QUI A FAUSSÉ LA RÉCEPTION DU CONCILE
Esprit révolutionnaire, médias, rôle du clergé...
Pourquoi la réception du concile Vatican II a-t-elle été si chaotique ? En premier lieu, les historiens constatent que les époques post-conciliaires sont toujours tumultueuses. « La crise arienne a éclaté après le concile de Nicée, constate le théologien Jean-Miguel Garrigues, et l'arianisme a pris de l'exténsion, alors même qu’Arius s’était fait connaître auparavant. »
Mais la période post-Vatican II a ses spécificités. En particulier celle d'avoir eu lieu alors que l'Occident était en pleine ébullition, quand furent remis en cause tous les piliers de notre société. « Le Concile a été interprété selon les critères de la révolution culturelle, qui entendait faire table
rose du passé, explique Jean-Miguel Garrigues, climat auxquels ont collaboré certains théologiens ayant des comptes à régler avec Rome, et avec Pie Xll. » LÉglise a été contaminée par cet esprit révolutionnaire qui avait gagné les élites de l'Occident.
Autre spécificité: le rôle des médias, dont Paul VI a pu dire que c'était par eux que les fidèles s'étaient tenus informés du Concile. Ils sont, par nature, plutôt enclins à mettre en valeur le spectaculaire, l'inédit, le transgressif. « II y a eu tout un battage médiatique, assez déformant, qui a durci le rapport majorité/minorité, qui a jeté de l'huile sur le feu en aiguisant les oppositions », se souvient Jean-Miguel Garrigues.
Recteur de Saint-Quiriace à Provins (Seine-et-Marne), le Père Michel Gitton insiste quant à lui sur le rôle qu'a joué le clergé dans la connaissance du Concile. Il raconte: « Lorsque j étais à Saint-Germain l’Auxerrois à Paris, le sacristain, un religieux, me vit un jour faire des génuflexions. "Ce n'est plus la peine, mon Père, le Concile a supprimé les génuflexions !" ; me dit-il. Il était de bonne foi. Les Pères de son ordre le lui avaient dit, il les avait crus... »
Le recteur replace ce phénomène dans le contexte et la mentalité de l'époque. « Les gens étaient habitués à obéir à l'Église le petit doigt sur la couture du pantalon. On a fait appel à ce réflexe d'obéissance pour changer.
Les pratiquants ont bougé tout d'un coup, par obéissance, par réflexe de cohésion sociale. Comme un changement d'horaire de messe... »
Ainsi commença un malentendu, dont nous commencons à sortir... C.-H. A.
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A propos la foi de Charles de Gaulle.
Dans le n° FC 1775 du 21 au 27 janvier 2012, monsieur Philippe Bléhaut dit : -"aucune aide de l’Etat n’a été donnée aux français d’Algérie arrivant en France, alors qu’aujourd’hui les droits de l’homme nous imposent de loger les migrants et de leur donner de quoi vivre. Où est la charité chrétienne dans les actes de De Gaulle ? J’espérais plus de neutralité politique de votre part"-
Ma réaction : Il est impossible de laisser dire une telle énormité sans réagir ? Une véritable horreur ! Jeune immigré j’ai travaillé moi-même à la construction de centaines de logements destinés aux « pieds-noirs » dans la ZUP de Blois, mais il y en a eu dans toutes les villes de France. Alors que les français du continent qui les construisaient croupissaient souvent dans des baraques insalubres. Et des logements oui, mais aussi tous les emplois disponibles dans l’administration étaient réservés prioritairement aux français d’Algérie. Quand aux aides, certes –je l’ai entendu de la bouche même de pieds-noirs- il y en a qui ont bien tiré leur épingle du jeu et d’autres qui n’ont eu que des broutilles.
Alors de ce côté-là, De Gaulle n’a certainement pas démérité, bien au contraire.
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Nigéria
Le 11 mars 2012 un nouvel attentat suicide contre une église catholique à tué 10 personnes.
2,2 milliards d’hommes seraient privés de liberté religieuse dans le monde et 70% vivraient dans des pays où elle est limitée-
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Citations sur les femmes au temps des « lumières » :
Rousseau –promeneur solitaire- dit qu »’il faut jouir de soi-même » et se dit seul alors qu’il est avec Thérèse. Pour écrire le contrat social, il vire sa femme et ses quatre enfants.
Voltaire : « la femme est un animal à deux pieds, sans plumes. »
Diderot : « Mon rêve un carrosse, un appartement, du linge fin et une fille parfumée. »
Proudhon : « Le sauvage a compris cela : de la bête féroce sa femelle, il a fait une bête de somme. »
Honoré de Balzac donne des conseils : « N’aie pas plus de charité qu’en a le bourreau pour cette machine à larmes, à manières, a évanouissements… »
Le marquis de Sade : « je me sers d’une femme par nécessité, comme on se sert d’un vase…dans un besoin différent »
LES LUMIERES
Que ce soit la droite ou la gauche, tout le monde s’accorde à dire qu’aujourd’hui, la France va mal. Le spectateur qui observe avec un certain recul se demande :- mais qu’est-ce qui va mal en France ? La réponse qu’il reçoit est on ne peut plus simple : Tout !
Des historiens et des philosophes se sont posé cette question : le malaise français ne viendrait-il pas d’un affaiblissement d’un certain modèle universaliste émanant des « Lumières » ?
Ils savent, ces historiens et ces philosophes, qu’on ne peut se pencher sur les erreurs de ces dites "Lumières" sans se faire traiter d’obscurantiste ? Et pourtant, certes, pendant cette période, il y eu une extraordinaire création artistique et intellectuelle, mais, justement on y trouve forcément du bon et du meilleur. On y trouve aussi obligatoirement du moins bon et même du pire. (Pour preuve les quelques phrases citées plus haut donnent une idée de ce qu’ "ils" pensaient de la femme). Et de toute façon cette période ne s’acheva-t-elle en révolution dans le feu et dans le sang ? Et ces proclamateurs des "Droits de l’Homme" ne furent-ils pas les premiers à les bafouer et assassiner, ou faire assassiner, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants?
Le philosophe pense : -Plutôt que d’accuser l’univers entier d’aller à contresens de l’Histoire, ne devrions-nous pas interroger cette dimension de notre identité collective dites des "Lumières" à l’heure où celles-ci sont l’objet à la fois d’une réflexion et d’une contestation de plus en plus radicale ?-
Mais,-peut rétorquer le spectateur- on ne peut pas réduire ce mal-être à des problèmes de conjonctures économiques, politiques ou de protection sociale. Le français moyen n’a jamais eu autant de moyens à la portée de sa main. Le siècle dernier a fait faire un bond considérable à toute l’humanité dans tous les domaines et ceci même dans les endroits les plus reculés de la planète. La liste de tout ce que l’on peut jouir ou bénéficier maintenant et que les citoyens des siècles derniers ne pouvaient même pas imaginer est interminable. Ceci sur le plan matériel. Pourquoi, alors, dire que tout va mal ? Le "mal être" des français vient forcément d’ailleurs ?
Le philosophe continue dans sa ligne de réflexion : - le point culminant de cet extraordinaire mouvement de création artistique est l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert à laquelle participèrent Voltaire, Rousseau et Montesquieu. Cette œuvre fut immédiatement contestée par l’Eglise catholique qui la dénonça comme antichrétienne (ce qui était logique : Les "Lumières" voulant "éclairer" les "victimes" de l’"obscurantisme") mais aussi par une partie d’intellectuels se réclamant de la raison classique. Notamment Hyppolite Taine ou Ernest Renan qui critiqueront l’idée de perfectibilité qui dominait la pensée du XVIIIème.
Si toutes les "Lumières" s’accordaient sur un point commun qui était l’autonomie de la "raison" par rapport à l’Histoire et aux enseignements apportés par les religions, leurs "pensées" prirent des formes bien différentes suivant les personnes et surtout suivant les pays. En France, elles furent inspirées principalement par Emmanuel Kant et, contrairement à d’autres pays, ces intellectuels voulurent les exporter aux autres peuples. En quelque sorte, faire du "messianisme" révolutionnaire. Kant était partisan d’un universalisme moral et plaçait l’action humaine sous le primat d’une loi intangible. A l’inverse les anglais et autres, plus réalistes n’aspireront jamais à faire partager leurs idées aux autres cultures.
Il y avait une autre différence d’opinion entre les "Lumières" qui pensaient que l’homme peut créer le progrès à l’infini à travers les sciences et la technologie et la Tradition française qui avait une idée plus précise de la citoyenneté s’appuyant sur l’Histoire.
De la Révolution est né un modèle politique basé sur une conception de la raison qui fait table rase de tous les héritages historiques, méprisant toutes les religions, mais la catholique en particulier. Ce modèle est bien vivant et continue d’exister de nos jours. Nous en avons des illustrations tous les jours. Qui, sinon les français, ont prétendu escamoter le passé judéo-chrétien de l’Europe ? Qui a "oublié" les fêtes religieuses catholiques dans l’agenda européen ?
Un autre des aspects issu des "Lumières" est cette espèce de rancœur, de haine ou de rejet à l’égard des Etats-Unis d’Amérique. Les thèses philosophiques ou les idéaux que les "Lumières" françaises proclamèrent au monde entier, s’exportèrent mal dans ce pays et les américains ne s’y reconnaissent pas ou ne s’y reconnaissent plus. L’américain est américain, citoyen d’un grand pays. A l’inverse des européens, la liberté individuelle passe après les idéaux patriotiques, économiques ou religieux. L’explication de ce mélange d’admiration et de rejet –auxquels on pourrait ajouter l’ingratitude- viendrait donc du choc de deux complexes de supériorité ayant des origines très différentes.
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Histoire.
La découverte du fossile d'un crâne vieux de 1,8 million d'années paraît indiquer que les lointains ancêtres de l'homme appartenaient à une seule espèce, conclut jeudi une recherche qui vient alimenter le débat parmi les paléontologues sur l'histoire de l'évolution humaine.
C'est un petit fossile qui peut bouleverser les connaissances sur les origines de l'homme moderne. La découverte d'un crâne vieux de 1,8 million d'années paraît indiquer que les lointains ancêtres de l'homme appartenaient à une seule espèce, conclut jeudi une recherche qui vient alimenter le débat parmi les paléontologues sur l'histoire de l'évolution humaine. En effet, la découverte va à l'encontre des théories jusqu'ici évoquées par les spécialistes qui font état de l'existence de plusieurs espèces distinctes.
Contrairement aux autres fossiles connus du genre Homo, ce crâne bien préservé mis au jour à Dmanisi, en Géorgie , comprend une petite boîte crânienne, une longue face et de grandes dents, précisent les chercheurs, soulignant qu'il s'agit de l'ancêtre le plus ancien de l'homme découvert hors du continent africain. Les différentes lignées auxquelles se réfère la paléobiologie, comme l'Homo habilis, l'Homo rudolfensis et l'Homo erectus, ne différaient en fait selon les auteurs de ces travaux que par leurs apparences. La mâchoire appartenant au crâne de Dmanisi a été trouvée cinq ans avant le reste du crâne, le plus massif jamais découvert sur le site de Dmanisi en partie excavé et qui fait dire aux chercheurs qu'il s'agissait d'un mâle.
Variations morphologiques.
Sur ce site, les chercheurs ont aussi mis au jour quatre autres crânes d'hominidés ainsi que divers animaux et plantes fossilisés, et quelques outils de pierre. Fait sans précédent, ces vestiges se trouvaient tous au même endroit et datent de la même période, ce qui a permis de comparer les traits physiques de plusieurs ancêtres de l'homme moderne qui ont coexisté. "Leur état de préservation est exceptionnel, ce qui fait que de nombreux aspects inconnus du squelette d'hominidés peuvent être étudiés pour la première fois chez plus d'un individu", a expliqué lors d'une conférence de presse David Lordkipanidze, directeur du musée national géorgien à Tbilissi. "Si le fossile de la boîte crânienne et de la face de ce crâne avaient été trouvés séparément et à différents endroits en Afrique, ils auraient pu être attribués à des espèces différentes car ce crâne est le seul découvert à ce jour à réunir de telles caractéristiques", a souligné Christoph Zollikofer de l'Institut d'Anthropologie de Zürich (Suisse), un des co-auteurs de cette découverte parue dans la revue américaine Science.
Outre la petite taille de son cerveau, environ un tiers de celle d'un homme moderne, le crâne découvert avait un grand visage protubérant, une forte mâchoire avec de longues dents et des arcades sourcilières épaisses. Avec leurs différentes caractéristiques morphologiques, les fossiles de Dmanisi ont été comparés entre eux et à divers autres fossiles d'hominidés trouvés en Afrique remontant à 2,4 millions d'années et à d'autres mis au jour en Asie ou en Europe vieux de 1,8 à 1,2 million d'années, précisent ces paléontologues. "Les variations morphologiques entre les spécimens de Dmanisi n'excèdent pas celles trouvées parmi les populations modernes de notre propre espèce ou parmi les chimpanzés", souligne le professeur Zollikofer. "Comme nous constatons un type et une gamme de variations semblables dans les fossiles d'hominidés africains il est raisonnable de penser qu'il n'y avait qu'une seule espèce à ces périodes en Afrique", a-t-il poursuivi. "Et comme les hominidés de Dmanisi ressemblent beaucoup à ceux d'Afrique, et notamment aux premiers à avoir divergé de l'Australopithèque -la célèbre Lucy-, nous pouvons penser qu'ils appartiennent bien tous à la même espèce", a-t-il conclu.
Une nouvelle espèce d'hominidés ?
Ces conclusions vont à l'encontre d'autres recherches récentes dont celle publiée en août 2012 dans la revue britannique Nature. Les analyses d'une face, d'une mâchoire inférieure complète et d'une partie d'une seconde mâchoire inférieure découvertes entre 2007 et 2009 au Kenya ont alors conduit les chercheurs à conclure que ces fossiles confirmaient que deux espèces distinctes d'Homo erectus (Homo habilis et Homo rudolfensis) ont co-existé en Afrique il y a près de deux millions d'années. Le paléobiologiste Bernard Wood, professeur à l'Université George Washington, s'est ainsi déclaré "très sceptique" jeudi des conclusions de l'analyse des crânes de Dmanisi. Il a expliqué que la méthode retenue par les auteurs ne prend pas en compte d'autres différences importantes entre les spécimens, dont entre autres les mandibules. Selon lui ce crâne sans précédent dans ses caractéristiques "pourrait bien être en fait celui d'une nouvelle espèce d'hominidé".
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État islamique (organisation)
L’État islamique —— est une organisation armée djihadiste qui a proclamé le 29 juin 2014 le rétablissement du califat sur les territoires irakiens et syriens qu'elle contrôle.
Sa création remonte à 2006, lorsqu'Al-Qaïda en Irak forme avec cinq autres groupes djihadistes le Conseil consultatif des Moudjahidines en Irak. Le 13 octobre 2006, le Conseil consultatif proclame l'État islamique d'Irak (EII), lequel se considère à partir de cette date comme le véritable État de l'Irak, puis également, à partir de 2013, de la Syrie. Initialement lié à Al-Qaïda, l'EII s'en est progressivement affranchi.
Le 9 avril 2013, l'EII devient l'État islamique en Irak et au Levant —également connu sous ses acronymes français EIIL, anglais ISIL / ISIS14 ou arabe Da'ech / Daesh utilisé de manière péjorative).
Le 29 juin 2014, l'État islamique en Irak et au Levant annonce le rétablissement du califat dans les territoires sous son contrôle et Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi est proclamé calife sous le nom d'Ibrahim. L'EIIL prend officiellement le nom d'État islamique18.
Origine et création
Articles détaillés : Al-Tawhid, Al-Qaïda en Irak et Conseil consultatif des Moudjahidines en Irak.
L'État islamique d'Irak est créé le 13 octobre 2006, par le Conseil consultatif des Moudjahidines en Irak — une alliance de groupes armés djihadistes dont fait partie Al-Qaïda en Irak —, mais aussi par cinq autres groupes djihadistes irakiens21, avec une trentaine de tribus sunnites représentant environ 70 % de la population de la province d'al-Anbar (ouest de l'Irak)22.
Progressivement, la branche irakienne d'Al-Qaïda est absorbée dans l'État islamique, son chef, Abou Hamza al-Mouhajer, prête d'ailleurs serment d'allégeance à Abou Omar al-Baghdadi, émir de l'État islamique d'Irak. En 2007, Ayman al-Zaouahiri annonce que « Al-Qaïda en Irak n'existe plus ». Les combattants de ce mouvement ont rejoint pour la plupart l'État islamique d'Irak23,24.
Relations avec Al-Qaïda
Les relations de l'EIIL avec Al-Qaïda, dirigé depuis la mort d'Oussama ben Laden par Ayman al-Zaouahiri, sont ambiguës. Bien que certaines branches locales d'Al-Qaïda en Syrie et en Irak aient fait allégeance à l'EIIL, les deux mouvements sont devenus rivaux.
Le 9 avril 2013, Abou Bakr al-Baghdadi déclare que le Front al-Nosra est une branche de l'État islamique d'Irak en Syrie, il annonce la fusion de EII et du Front al-Nosra pour former l'État islamique en Irak et au Levant. Mais le chef d'al-Nosra, Abou Mohammad al-Joulani, bien qu'il reconnaisse avoir combattu en Irak sous ses ordres puis d'avoir bénéficié de son aide en Syrie, ne répond pas favorablement à l'appel d'al-Baghdadi et renouvelle son allégeance à Ayman al-Zaouahiri, émir d'Al-Qaïda23.
En juin et en novembre 2013, Ayman al-Zaouahiri demande à l'EIIL de renoncer à ses prétentions sur la Syrie, estimant qu'Abou Bakr al-Baghdadi, « a fait une erreur en établissant l'EIIL » sans lui en avoir demandé la permission ni même l'avoir informé. Il annonce que : « L'Etat islamique en Irak et en Syrie (EIIL) va être supprimé, alors que l'Etat islamique en Irak (ISI) reste opérationnel. » Pour al-Zaouahiri, le Front al-Nosra demeure la seule branche d'Al-Qaïda en Syrie25.
À son tour, al-Baghdadi rejette les déclarations d'al-Zaouahiri23. En réalité, l'EIIL se considère comme un État indépendant et ne souhaite prêter aucune allégeance à Al-Qaïda, ni à aucune autre structure24.
Des divergences opposent également Al-Qaïda et l'EIIL : les premiers considèrent que le djihad doit être mené prioritairement contre les États-Unis, Israël, les pays occidentaux et leurs alliés régionaux ; de son côté, depuis le départ des Américains d'Irak, l'EIIL considère que l'ennemi principal est désormais l'Iran et les Chiites23.
En 2014 cependant, Al-Qaïda et l'EIIL entrent en conflit direct. Le 6 janvier, les rebelles syriens se révoltent contre l'EIIL, et le Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, prend part à l'offensive, principalement à Racca. Al-Julani, le chef d'Al Nosra, estime que l'EIIL a une forte responsabilité dans le déclenchement du conflit mais appelle à un cessez-le-feu26. Mais le 11 ou le 12 janvier, à Racca, l'EIIL exécute 99 prisonniers membres du Front al-Nosra et d'Ahrar al-Sham selon l'OSDH27,28.
Le 2 février 2014, Al-Qaïda publie un communiqué dans lequel il condamne les actions de l'EIIL et confirme que ce mouvement « n'est pas une branche d'Al-Qaida, n'a aucun lien organisationnel » avec eux et qu'il « n'est pas responsable de ses actions »29.
Le 4 avril 2014, Ayman al-Zaouahiri appelle à un « arbitrage indépendant en vertu de la loi islamique » afin de mettre fin aux combats qui opposent en Syrie l'État islamique d'Irak et du Levant et Jabhat al-Nosra. Selon Romain Caillet, chercheur à l'institut français du Proche-Orient et spécialiste de la mouvance salafiste, le projet soutenu par al-Zaouahiri aurait pour conséquence de former une seule instance juridique, placée au-dessus de toutes les autres. L'autorité de l'EIIL, sur les territoires qu'il contrôle, serait alors dissoute. C'est la principale raison pour laquelle l'EIIL, qui se voit comme un véritable État, refuse cette solution et préfère celle dite des « tribunaux conjoints », où le jury serait composé pour moitié de membres de l'EIIL et pour l'autre de la brigade plaignante30.
Le 2 mai 2014, Ayman al-Zaouahiri donne l'ordre au Front al-Nosra de cesser de combattre d'autres groupes djihadistes et de « se consacrer au combat contre les ennemis de l'islam, en l'occurrence les baasistes, les Chiites et leurs alliés. » Il appelle également Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'EIIL à se concentrer sur l'Irak31. Ces instructions ne sont pas suivies, à cette même période, la bataille de Al-Busayrah s'engage entre al-Nosra et l'EIIL, près de Deir ez-Zor32.
Le 12 mai, Abou Mohammed al-Adnani, chef de l'EIIL en Syrie, qualifie les messages de Ayman al-Zaouahiri de « déraisonnables, irréalistes et illégitimes ». Il déclare à ce dernier dans un enregistrement : « Vous avez provoqué la tristesse des moudjahidines et l'exultation de leur ennemi en soutenant le traître (Abou Mohammad al-Joulani, chef d'al-Nosra). Le cheikh Oussama (c'est-à-dire : Oussama ben Laden, ancien chef d'Al-Qaïda) avait rassemblé tous les moudjahidines avec une seule parole, mais vous les avez divisés et déchirés. [...] Vous êtes à l'origine de la querelle, vous devez y mettre fin33. »
Proclamation du califat
Article détaillé : État islamique (État).

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Territoire contrôlé (juin 2014)
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Territoire revendiqué
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Reste de la Syrie et de l'Irak
Le 29 juin 2014, premier jour du ramadan, l'État islamique en Irak et au Levant annonce le rétablissement du califat et l'émir Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi est proclamé calife sous le nom d'Ibrahim. L'EIIL prend officiellement le nom d'État islamique (EI)18. L'EI se revendique comme le successeur des précédents califats, le dernier ayant disparu en 1924 avec le démantèlement de l'Empire ottoman34. Abou Mohammad al-Adnani, porte-parole de l'EI, déclare qu'il est du « devoir » de tous les musulmans du monde de prêter allégeance au nouveau calife Ibrahim : « Musulmans (...) rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et les autres ordures de l'Occident. Revenez à votre religion »35.
Selon Charles Lister, chercheur associé au Brookings Doha Centre : « D'un point de vue géographique, l'Etat islamique est déjà parfaitement opérationnel en Irak et en Syrie. Il est en outre présent — mais caché — dans le sud de la Turquie, semble avoir établi une présence au Liban, et a des partisans en Jordanie, à Gaza, dans le Sinaï, en Indonésie, Arabie saoudite et ailleurs »35. Pour Shashank Joshi, du Royal United Services Institute à Londres, la proclamation du califat « ne change rien matériellement », mais « ce qui change réellement c'est (...) l'ambition » de l'État islamique, qui montre sa confiance dans sa force et défie Al-Qaïda35.
Par cette proclamation l'EI tient à montrer sa puissance et menace le leadership d'Al-Qaïda sur les mouvements armés djihadistes salafistes. Pour Charles Lister : « Tous les groupes liés à Al-Qaïda et les mouvements djihadistes indépendants vont devoir décider s'ils soutiennent l'Etat islamique ou s'ils s'opposent à lui »36. Dans un communiqué, l'EI ordonne à Al-Qaïda et aux groupes armés islamistes de se soumettre à son autorité34. Plus généralement, l'EI déclare qu'Abou Bakr al-Baghdadi est devenu le « chef des musulmans partout » dans le monde37.
Cette déclaration est cependant rejetée par les rebelles syriens du Front islamique et les djihadistes du Front al-Nosra qui déclarent considérer cette proclamation du califat « comme nulle et non avenue, légalement et logiquement »38.
De leur côté, les États-Unis affirment que « cette déclaration ne signifie rien pour les populations en Irak et en Syrie »35. L'éventualité d'une partition à terme de l'Irak est cependant évoquée. Michael Hayden, directeur de la NSA de 1999 à 2005, puis de la CIA de 2006 à 2009, déclare ainsi le 30 juin : « Avec la conquête par les insurgés de la majeure partie du territoire sunnite, l’Irak a déjà pratiquement cessé d’exister. La partition est inévitable »39. Massoud Barzani, président de la région autonome du Kurdistan irakien, envisage pour sa part de soumettre à référendum l'indépendance de la région40.
Effectifs
Nombre total de combattants
En mai 2014, Christophe Ayad, journaliste au Monde, évalue les forces de l'EIIL à environ 10 000 hommes en Irak et 7 000 à 8 000 en Syrie41.
Début 2014, Charles Lister, chercheur au Brookings Doha Centre, estime que l'EIIL compte de 5 000 à 6 000 combattants en Irak et de 6 000 à 7 000 en Syrie2.
Selon Romain Caillet, le mouvement compte 8 000 à 10 000 hommes en Irak42. Il précise : « En Irak, il s'agit à 90 % d'Irakiens, tandis qu'en Syrie on a 50 % de combattants locaux auxquels s'ajoutent des étrangers venus du Maghreb, du Golfe, de la diaspora tchétchène et des Occidentaux venus d'Europe ou des États-Unis »43. Parmi ces djihadistes étrangers se trouvent des personnes venant de pays musulmans (Pakistan, Tchétchénie, Indonésie) qui représente 10 % des combattants en Syrie, mais on dénombres aussi des djihadistes européens qui viennent surtout de Belgique, de France et du Royaume-Uni (ils sont environ 2000)44.
En juillet cependant, Romain Caillet revoit ces estimations à la hausse, il déclare « Avant la prise de Mossoul, l'EI comptait environ 20 000 hommes, en Syrie et en Irak. Étant donné qu'il a libéré de nombreux prisonniers et qu'il a bénéficié de ralliements, il a sans doute environ 25 000 hommes à l'heure actuelle »45.
Début juillet 2014, le journal britannique The Daily Telegraph indique que selon Hisham al-Hashimi, un analyste irakien ayant eu accès à des documents de l'État islamique saisis par les forces de sécurités irakiennes, environ 25 000 combattants auraient prêté allégeance en Irak à l'État islamique3.
En août 2014, Yves Boyer, professeur de relations internationales à l'École polytechnique et directeur-adjoint à la FRS, estime entre 20 000 et 30 000 le nombre des combattants de l'EI46.
Le 19 août 2014, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) affirme que les effectifs de l'État islamique sont désormais de 50 000 hommes en Syrie. Parmi ceux-ci 20 000 sont étrangers et 6 000 ont été recrutés pour le seul mois de juillet4.
Combattants étrangers
L'EI compte nombre de combattants étrangers, pour le Département d'État des États-Unis, 12 000 volontaires venus de 50 pays ont combattu au sein du mouvement de 2011 à 2014, dont une centaine d'Américains. En août 2014, l'OSDH indique que les combattants étrangers qu'il évalue à 20 000 viennent principalement des pays du Golfe, de Tchétchénie, d'Europe ou même de Chine47.
Selon Khalid Mahmoud, membre travailliste du Parlement britannique, en août 2014, au moins 1 500 musulmans britanniques ont été recrutés pour combattre en Syrie et en Irak depuis de début de la guerre civile syrienne en mars 2011, tandis que seulement 600 musulmans font partie de l'armée du Royaume Uni48,49. À cette date cependant, les estimations du gouvernement du Royaume-Uni sur le nombre de sujets britanniques combattants en Irak et en Syrie sont de 400 à 50050.
En août 2014, selon le Ministère français de l'Intérieur, 800 hommes de nationalité française combattent au sein de l'EI en Syrie et en Irak. Cependant Fabrice Balanche, géographe à l'Université Lumière Lyon-II, estime que ce nombre est sous-évalué et que l'EI compte 1 000 djihadistes français en 2013, puis de 2 000 l'année suivante47.
Selon des données compilées par l'hebdomadaire britannique The Economist, en mai 2014, l'État islamique compte en Syrie environ 12 000 volontaires venus du monde musulman, dont 3 000 Tunisiens, 2 500 Saoudiens, 2 089 Jordaniens, 1 500 Marocains, 890 Libanais, 550 Libyens, 400 Turcs, 358 Égyptiens, 247 Irakiens, 186 Tchétchènes, 114 Palestiniens et 71 Koweïtiens. Plus 3 000 autres combattants viennent de l'Occident dont 700 Français, 400 Britanniques, 270 Allemands, 250 Belges, 250 Australiens, 120 Néerlandais, 100 Danois, 70 Américains, 60 Autrichiens, 50 Norvégiens, 30 Irlandais et 30 Suédois. Ces estimations sont cependant faites avant la proclamation du califat ; par la suite, les effectifs de l'État islamique augmentent sensiblement51,52.
Parmi les étrangers ayant combattu au sein de l'État islamique figurerait le Franco-Algérien Mehdi Nemmouche, auteur de la tuerie du Musée juif de Belgique, le 24 mai 2014. Il aurait également été à la garde des otages en Syrie et est accusé d'actes de torture53,54,55.
Une partie de recrutement s'effectuerait en centre de détention, notamment par l'intermédiaire de l'association Sanâbil56.
Organisation
Les documents analysés par Hisham al-Hashimi ont également permis une meilleure connaissance de l'organisation interne du groupe57. Autour d'Abou Bakr al-Baghdadi, sept hommes composent le « gouvernement » de l'État islamique en Iraq et au Levant :
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Abou Abdul Kadr (Shawkat Hazem al-Farhat), en charge de l'encadrement ;
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Abou Mohamed (Bashar Ismail al-Hamdani), en charge des prisonniers ;
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Abou Louay/Abou Ali (Abdul Wahid Khutnayer Ahmad), en charge de la sécurité ;
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Abou Salah (Muafaq Mustafa Mohammed al-Karmoush), en charge des finances des provinces irakiennes ;
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Abou Hajar al-Assafi (Mohammed Hamid al-Duleimi), en charge de la coordination entre les provinces et courrier ;
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Abou Kassem (Abdullah Ahmed al-Meshedani), en charge de l'accueil des combattants arabes et étrangers, notamment de leur logement, et peut-être du transport des kamikazes ;
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Abou Abdul Rahman al-Bilawi (Adnan Ismail Najem Bilawi), ancien capitaine de l'armée irakienne sous Saddam Hussein, chef du conseil militaire pour les provinces irakiennes ; tué le 5 juin 2014 à Mossoul.
Deux adjoints se partagent les affaires syriennes et irakiennes :
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Abou Ali al-Anbari, ancien général de l'armée de Saddam Hussein sans doute originaire de Mossoul, en charge des opérations en Syrie ;
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Abou Muslim Al-Turkmani (Fadel Ahmad Abdullah al-Hiyali), en charge de la gestion des provinces irakiennes, sous l'autorité duquel se trouvent les six gouverneurs :
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Abou Nabil (Wissam Abed Zaid al-Zubeidi), gouverneur de la province de Salah ad-Din ;
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Abou Fatma (Nena Abed Naif al-Jubouri), gouverneur de la province de Kirkouk ;
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Abou Fatma (Ahmed Mohsin Khalal al-Jihaishi), gouverneur de l'Euphrate central et méridional ;
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Abou Jurnas (Rathwan Talib Hussein Ismail al-Hamduni), gouverneur des zones frontalières ;
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Abou Abdul Salem/Abou Mohammed al-Sweidawi (Adnan Latif Hamid al-Sweidawi), ancien lieutenant-colonel de l'armée de Saddam Hussein, gouverneur de la province d'Anbar et membre du conseil militaire ;
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Abou Maysara (Ahmed Abdul Kader al-Jazza), gouverneur de la province de Bagdad.
Existe également un conseil de guerre, composé de trois membres :
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Abou Shema (Fares Reif al-Naima), en charge des magasins ;
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Abou Suja (Abdul Rahman al-Afari), originaire de Tall Afar, en charge des affaires des martyrs et des femmes ;
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Abou Kifah (Khairy Abed Mahmoud al-Taey), en charge des attentats par engin explosif improvisé (EEI/IED).
Financement et soutiens
Jusqu'en 2013, lors de la guerre civile syrienne, l'EIIL bénéficie du soutien financier de l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe, mais ce soutien cesse en janvier 2014 lorsque l'EIIL entre en guerre contre les autres groupes rebelles syriens du Front islamique, du Front al-Nosra et de l'Armée syrienne libre, qui sont également financés par les pays du Golfe58. Depuis, l'EIIL n'est soutenu par aucun État de cette région ; le groupe reçoit une aide financière de la part de riches donateurs individuels, pour la plupart originaires des pays du Golfe. L'organisation aurait également mis en place des collectes caritatives dont elle détournerait les fonds59. Elle contrôle des puits de pétrole en Syrie et organise des trafics d'armes et de carburant. Ses combattants lèvent des impôts dans les zones placées sous leur contrôle et pratiquent occasionnellement vols, kidnappings et extorsions de fonds. Selon le Council on Foreign Relations et le Washington Post, l'EIIL récoltait en un mois 8 millions de dollars, soit près de 100 millions de dollars par an2. D'après le site Quartz, l'État islamique gagnait 1 million de dollars par jour rien qu'avec la contrebande de pétrole60.
La Turquie est également accusée par certains mouvements politiques et des journalistes de soutenir l'État islamique. Selon Daniel Pipes, journaliste américain pour le Washington Times : « En réalité les Turcs ont offert bien plus qu'un passage aisé de la frontière : ils ont fourni le gros des fonds, de la logistique, de l'entraînement et des armes de l'EIIL. Les Turcs résidant non loin de la frontière syrienne parlent d'ambulances turques se rendant dans les zones de combats entre les Kurdes et l'EIIL pour évacuer les blessés de l'EIIL vers des hôpitaux turcs »61. En Turquie, le Parti républicain du peuple accuse également le gouvernement de soutenir l'EI62. Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan nie cependant toute alliance avec les groupes armés islamistes en Syrie et en Irak63.
Pour Mathieu Guidère, aucun État ne soutient l'État islamique, il affirme en juin 2014 que « personne ne laissera les jihadistes » constituer un État islamique à cheval sur l'Irak et la Syrie, « ni l'Iran, ni la Turquie, ni la Syrie ne laisseront faire »64.
Le 10 juin 2014, après la prise de Mossoul, l'EIIL s'empare des réserves d'argent liquide des banques de la ville, soit 425 millions de dollars65. Selon Mathieu Guidère, cet argent représenterait la capacité d'accueil du système bancaire local et non pas la somme saisie par des djihadistes : « l'argent n'est pas directement dans leurs mains, mais dans celles de leurs alliés de la tribu des Shammar, dont est issu le gouverneur de la banque centrale de Mossoul » qui a assuré ne pas détenir le tiers de cette somme59. D'autres banques irakiennes sont pillées et, en juin 2014, l'EIIL dispose d'un capital de plus de 2,3 milliards de dollars, ce qui en fait le groupe terroriste le plus riche au monde42. Il dépasse les Talibans afghans (400 millions de dollars), le Hezbollah (entre 200 et 500 millions de dollars) et les FARC (entre 80 et 350 millions de dollars)66.
Actions
Irak
L'ambition de l'EII provoque toutefois des tensions et des affrontements avec d'autres groupes armés rebelles comme l'Armée islamique en Irak, la Brigade de la Révolution de 1920 ou Ansar al-Sunnah67. Un bref cessez-le-feu annoncé en juin 2007 avec l'Armée islamique en Irak s'est ainsi dissout à la suite d'affrontements dans la région de Samarra (125 km au nord de Bagdad) en octobre et novembre 200768. Plusieurs dirigeants de l'Armée islamique se seraient même alliés avec le Pentagone, en 2007, pour contrer l'influence d'Al-Qaïda en Irak69. C'est grâce à ce soutien que la province d'Al-Anbar passe en septembre 2008 sous le contrôle du gouvernement irakien.
Le 18 avril 2010, Abou Omar al-Baghdadi est tué par les forces américaines et irakiennes, ainsi que Abou Hamza al-Mouhajer, l'ancien chef d'Al-Qaïda en Irak devenu par la suite ministre de la guerre de l'EII. Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi prend la tête de l'organisation23,70.
Le 31 mars 2014, l'EIIL publie un rapport de 400 pages sur ses opérations en Irak entre novembre 2012 et novembre 2013 : il revendique notamment 1 083 assassinats, 4 465 explosions d'engins piégés, huit villes conquises et plusieurs centaines de prisonniers délivrés71.
Articles détaillés : Bataille d'Al-Anbar et Bataille de Mossoul (2014).
En 2014, l'EIIL, soutenu par des tribus sunnites, s'empare de plusieurs villes stratégiques en Irak — Falloujah72 est conquise le 4 janvier, puis Mossoul le 9 juin73, ville de près deux millions d'habitants — et menace Kirkouk74 riche en gisement pétrolier. Selon le professeur de sciences politiques Aziz Jabr, cette progression rapide pourrait avoir été facilitée par l'infiltration de rebelles au sein des forces armées75. La politique sectaire du premier ministre chiite Nouri al-Maliki provoque également l'insurrection de tribus sunnites76. Une bonne partie des 500 000 réfugiés civils, ainsi que 10 000 militaires irakiens, trouvent refuge au Kurdistan irakien, dont le territoire reste solidement gardé par les Peshmerga77,78.
Dés le 11 juin, Mossoul, l'État islamique en Irak et au Levant rend publique une charte de 16 articles régissant la vie à l'intérieur de la ville. Parmi ces points, il menace ses opposants de « l'exécution, la crucifixion, l'amputation des bras ou (et) des jambes, ou l'exil » (article 5). L'alcool, le tabac et les drogues sont interdits (article 8). Les manifestations publiques, considérées comme contraires à l'islam sont interdites (articles 10). L'EIIL promet également la destruction des statues édifiées avant l'avènement de l'islam (article 13). Les femmes ne peuvent sortir que vêtues d'un niqab et accompagnées d'un membre de leurs familles (article 14). De plus l'EIIL rétablit également le statut de dhimmi pour les chrétiens de Mossoul, ces derniers doivent notamment payer un impôt spécial de 250 dollars par mois79.
L'EIIL s'empare également de l'ouest de la province de Kirkouk, et du nord de la province de Salah ad-Din. Les insurgés s'emparent également d'Al-Qa'im et de son poste-frontière le 21 juin, puis de Tall Afar le 2380,81.
Le 7 août 2014, l'avancée de l'EI menace Erbil, ce qui conduit Barack Obama à décider une intervention aérienne82,83.
Syrie
À partir de 2013, l'État islamique en Irak et au Levant intervient dans la guerre civile syrienne. De nombreux combattants d'al-Nosra et la plupart des djihadistes étrangers rallient ce mouvement23. Il s'implante surtout dans le nord du pays, en particulier à Jerablus et Racca et dispose de 7 000 hommes23.
Parmi les combattants étrangers qui rejoignent l'EIIL figurent notamment des hommes du Tehrik-e-Taliban Pakistan. En juillet 2013, ce mouvement annonce l'envoi en Syrie de plusieurs centaines de combattants. Beaucoup rejoignent l'EIIL, d'autres le Front al-Nosra ou bien Jaish al-Islam, une brigade salafiste du Front islamique84,85.
Les forces de l'EIIL en Syrie sont commandées par Abou Mohammed Al-Adnani86. Un autre chef important, l'Irakien Chaker Wahiyib al-Fahdaoui combat également en Syrie, sa présence étant révélée en août 2013 après la publication d'une vidéo où il exécute à visage découvert trois chauffeurs routiers alaouites87.
Initialement, l'EIIL jouit d'une certaine popularité, notamment en distribuant de l'aide alimentaire à la population, cependant le groupe se distingue rapidement par sa violence. À plusieurs reprises, des soldats alaouites sont exécutés sur la place publique par les combattants djihadistes86. Selon plusieurs observateurs occidentaux, l'EIIL est considéré comme plus extrémiste encore que le Front al-Nosra24.
Cependant les ambitions de l'EIIL et sa radicalité lui attirent progressivement l'hostilité des autres mouvements rebelles syriens. En novembre 2013, un combattant d'Ahrar al-Sham est décapité par des djihadistes de l'EIIL qui le prennent pour un chiite, le porte-parole du mouvement présente ensuite ses excuses88. Mais dans les premiers jours de janvier 2014, la mort de Hussein al-Suleiman, un médecin respecté et un commandant d'Ahrar al-Sham, exécuté par l'EIIL après avoir été torturé met le feu aux poudres89,90. En réaction, dans les premiers jours de janvier 2014, plusieurs groupes armés attaquent les forces de l'État islamique en Irak et au Levant. Les mouvements qui participent à cette offensive sont : le Front islamique, le plus puissant mouvement rebelle de Syrie, le Front Révolutionnaire syrien qui regroupe plusieurs brigades de l'Armée syrienne libre et l'Armée des Moujahidines91. Le Front al-Nosra prend également part à l'offensive, mais initialement de façon moins agressive et appelle à un cessez-le-feu92,24.
De son côté Abou Mohammed al-Adnani, chef de l'EIIL en Syrie, appelle ses hommes à anéantir les rebelles et déclare à ces derniers : « Aucun de vous ne survivra, et nous ferons de vous un exemple pour tous ceux qui pensent suivre le même chemin ». Le mouvement se considère désormais également en guerre contre le Conseil national syrien : « Chaque membre de cette entité est une cible légitime pour nous, à moins qu'il ne déclare publiquement son refus de (...) combattre les moudjahidines »93.
Article détaillé : Offensive de Deir ez-Zor.
En février 2014, l'EIIL est chassé du gouvernorat de Deir ez-Zor par le Front Al-Nosra, le Front islamique et d'autres brigades rebelles94. Il reprend cependant l'ouest de la province au début du mois de mai95. Vers mi-mai, l'EIIL lance une offensive depuis le gouvernorat de Racca avec 3 000 hommes en vue de s'emparer de la ville de Deir ez-Zor96.
Le 25 juin 2014, Abou Youssouf al-Masri, commandant du Front al-Nosra à Abou Kamal, fait défection et rallie l'EIIL avec ses hommes97.
Le 3 juillet 2014, l'État islamique hisse son drapeau sur la ville de Mayadeen. La ville est tombée entre ses mains face à ce qui semble être une débâcle du Front al-Nosra et des autres groupes rebelles de la région de Deir ez-Zor. Cela fait suite à l'allégeance de certaines tribus locales envers l'État islamique. Une partie des rebelles islamistes a suivi, à son tour, ce changement d'allégeance98.
Le 14 juillet 2014, l'État islamique aurait, selon l'OSDH, pris le contrôle de 95 % à 98 % de la province de Deir ez-Zor, les autres groupes rebelles s'étant retirés ou ayant décidé de faire allégeance ; la partie de la ville de Deir ez-Zor jusqu'alors tenue par les rebelles du Front al-Nosra, environ 50 % de la ville, passe sous le contrôle de l'EI99.
Exactions et massacres
Articles détaillés : Liste de massacres de la guerre civile syrienne, Massacre de Tikrit et Massacres de Sinjâr.
Mouvement particulièrement violent, l'État islamique est responsable de nombreux massacres. Il est accusé par l'ONU, la Ligue arabe, les États-Unis et l'Union européenne de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l'humanité100,101,102.
En Irak, l'EIIL commet régulièrement des attentats contre les populations civiles, essentiellement les chiites. Selon l'ONU, les attentats de l'EIIL font 6 000 morts de mars à novembre 201367.
Selon le politologue Ziad Majed, 400 personnes, en majorité des rebelles sunnites, ont été exécutés par l'EIIL en 2013 en Syrie et 1 000 à 1 200 ont été faits prisonniers. L'EIIL détient également plusieurs otages occidentaux, mais ne réclame aucune rançon, son objectif serait plutôt de se prémunir d'éventuelles attaques89.
En 2014, quelques exécutions par crucifiement ont également été rapportées par des témoins, certaines sont même revendiquées par l'EIIL103.
Le 10 juin, après sa victoire à la bataille de Mossoul, l'État islamique s'empare de la prison de Badoush et massacre 670 prisonniers chiites104.
Le 13 juin, l'EIIL revendique le massacre de 1 700 prisonniers chiites de l'armée irakienne à Tikrit105,106. Selon Human Rights Watch, entre 160 et 190 hommes, au moins, y ont été exécutés entre le 11 et le 14 juin. Elle précise cependant que le nombre total des victimes pourrait être beaucoup plus élevé107,108. Le 14 juin, un compte Twitter considéré comme proche de l'EIIL publie des photographies d'exécutions de prisonniers ; elles montrent des dizaines de corps fusillés dans des fosses communes par les rebelles djihadistes, les cadavres ont les mains liés et sont vêtus d'habits civils109. Selon Adrien Jaulmes, reporter pour Le Figaro : « Ces séries de photos sont sans doute le premier cas dans l'histoire où un crime de masse est ainsi documenté et mis en scène par ses auteurs, comme s'il s'agissait d'un glorieux fait d'armes »110.
Le 15 juin 2014, un groupe se présentant comme la « branche Palestine-Cisjordanie » de l'État islamique en Irak et au Levant, revendique notamment l'enlèvement de trois adolescents israéliens, près de Goush Etzion et dont les corps sont retrouvés le 30 juin, près de Hébron. C'est la première fois qu'un groupe réclamant de l'EIIL se manifeste en Palestine111.
Selon Human Rights Watch, au moins 40 chiites turkmènes, dont des enfants, ont été massacrés le 16 juin dans quatre localités proches de la ville de Kirkouk112.
Le soir du 17 juillet, une jeune veuve de 26 ans accusée d'« adultère » est lapidée à Tabqa, près de Racca ; selon l'OSDH, c'est la première exécution de ce type commise en Syrie par l'État islamique. Le lendemain, une deuxième femme subit le même sort à Racca113,114.
Le 10 août, le ministre irakien des Droits de l'homme, Mohamed Chia al-Soudani, accuse les djihadistes de l'État islamique d'avoir tué au moins 500 membres de la minorité religieuse yazidie depuis le début de leur offensive dans le nord de l'Irak115. Le 15 août, les forces de l'EI attaquent le village de Kocho, majoritairement peuplé de Yézidis, massacrent au moins 81 hommes et capturent les femmes et les enfants116,117.
En août 2014, dans le gouvernorat de Deir ez-Zor, en Syrie, les Chaïtat se révoltent contre l'État islamique. Les forces de l'EI répliquent en massacrant en deux semaines 700 membres de cette tribu, dont 600 civils. 300 personnes sont notamment tuées en une journée à Ghraneidj118,119,120.
Le 19 août, en représailles aux bombardements effectués par les États-Unis en Irak, l'État islamique affirme avoir décapité un otage américain, le journaliste James Foley, enlevé au nord de la Syrie le 22 novembre 2012121,122. Quelques jours plus tard, le 2 septembre, l'État islamique revendique l'exécution par décapitation de son deuxième otage américain, Steven Sotloff, un journaliste capturé le 4 août 2013 à Alep123.
Les 27 et 28 août, après la bataille de Tabqa, les djihadistes de l'État islamique exécutent 160 à 200 prisonniers de l'armée syrienne124.
Le 2 septembre 2014 Amnesty International publie un rapport accusant l'organisation terroriste l'État islamique de mener « une campagne systématique de nettoyage ethnique » dans le nord de l'Irak et également de se livrer à des exécutions de masse. S'appuyant sur des témoignages « horrifiques » de survivants, Amnesty accuse les djihadistes de « crimes de guerre, notamment des exécutions sommaires de masse et des enlèvements visant systématiquement les minorités du Nord irakien, notamment les chrétiens, les Turcomans chiites et les Yazidis ». Dans ce rapport intitulé « Nettoyage ethnique dans des proportions historiques », Amnesty affirme avoir « des preuves que plusieurs tueries de masse, et des centaines, peut-être des milliers d'enlèvements, ont eu lieu en août dans la région de Sinjar »125.
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INFOGRAPHIE - Nuitées d'hôtels par dizaines de milliers, injustices dans le traitement des exclus… le député UMP Éric Ciotti éclaire les failles du système d'hébergement des demandeurs du statut de réfugié en France.
Le député UMP des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, sort un rapport choc sur les failles du système d'accueil des demandeurs d'asile en France. Les vrais coûts, les fraudes, ce que l'on cache à l'opinion, tout est évoqué sans tabou. Pour l'heure, seuls ses collègues de la commission des lois à l'Assemblée nationale viennent d'en prendre connaissance. Le Figaro, qui a eu accès à ce projet d'avis sur le projet de loi de finances 2015, en révèle les enseignements.
• Les dossiers s'empilent sur les bureaux de l'Ofpra
Éric Ciotti affirme que «30.000 dossiers sont aujourd'hui en attente à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra)». Il le tient du directeur de l'Ofpra lui-même. «La demande de protection internationale s'est accrue, rappelle-t-il, de 85 % entre 2007 et 2013.» Parmi les explications avancées, le fait que «les demandeurs d'asile, à l'instigation, dans nombre de cas, de filières d'immigration, se sont tournés davantage vers la France et l'Allemagne». En attendant la réforme du gouvernement, dont le projet de loi sur l'asile sera débattu, en principe, à partir du 12 novembre prochain à l'Assemblée nationale, le délai moyen d'attente pour l'examen d'un dossier atteint «16 mois et 15 jours».
• Des centres d'accueil débordés
L'hébergement des demandeurs d'asile est devenu une charge «insupportable» en ces temps de crise, explique en substance le député Éric Ciotti. Certes, «en dix ans, la capacité en places des centres d'accueil pour demandeur d'asile (Cada) a quadruplé, passant de 5282 places en 2001 à 24.689 places à la fin du premier semestre 2014». Coût de l'hébergement: «220 millions d'euros», sur un total de plus de 600 millions d'euros alloués par l'État au programme «immigration et asile» pour 2014. Et pourtant, face à l'insuffisance de ce dispositif d'accueil, dont la gestion est confiée à des associations et à la société d'économie mixte Adoma, «l'hébergement d'urgence (auquel est couplé le versement d'une aide temporaire d'attente), qui ne devait avoir au départ qu'un rôle annexe, est devenu le principe», se désole l'élu des Alpes-Maritimes.
• Une facture hôtelière exponentielle
«Les dépenses d'hébergement d'urgence, en particulier sous la forme de nuitées hôtelières, se sont par voie de conséquence accrues de façon largement incontrôlée», poursuit le rapporteur. «Ce dispositif a pris de l'ampleur, jusqu'à comporter aujourd'hui le même nombre de places qu'en centre d'accueil pour demandeur d'asile (Cada). Près de 22.000 places étaient financées en 2013, contre seulement 13.000 places en 2009, soit une augmentation de près de 70 % des capacités en quatre ans», écrit-il. Éric Ciotti ajoute: «Les dépenses d'hébergement d'urgence ont été multipliées par trois sur la période 2008-2012. Il y a aujourd'hui davantage de personnes prises en charge dans le dispositif d'hébergement d'urgence qu'en Cada.» Son financement autorisé pour 2015 est de 132,5 millions d'euros (+14,8 % ).
• Plus de 870 euros par mois et par personne
Pour Éric Ciotti, «ceci est d'autant plus dommageable que le coût global de la prise en charge en hébergement d'urgence est au moins équivalent, sinon supérieur, à celui de la prise en charge en Cada. Le coût unitaire de la nuitée hôtelière est en effet estimé à 17,17 euros, auxquels s'ajoute une aide temporaire d'attente de 11,45 euros par jour», soit un total mensuel de 870,50 euros par personne. Par comparaison, «le prix de journée moyen national des Cada s'élève à 24,43 euros par personne hébergée», indique-t-il.
• Des inégalités chez les plus démunis
Ces dérives conduisent à une «rupture d'égalité entre les demandeurs d'asile, l'octroi du statut n'étant plus seulement lié au bien-fondé de la demande, mais aussi au mode d'hébergement et d'accompagnement», affirme le député des Alpes-Maritimes. Il va plus loin: selon lui, les demandeurs sont également orientés vers les structures d'ordinaire dédiées aux «personnes en grandes difficultés sociales», les «sans-abri», les «mal logés». Ce qui provoque parfois, écrit-il, «une éviction de fait des publics qui y étaient traditionnellement accueillis».
Le montant des aides aux réfugiés a triplé et l'État dissimule les coûts
Le rapport Ciotti révèle que l'aide temporaire d'attente (ATA), versée aux demandeurs d'asile, a progressé de «367 % entre l'année 2007 et l'année 2013» .
«Elle était versée à 42 115 personnes au 31 décembre 2013, contre 37.600 à la fin de l'année 2012», précise le député des Alpes-Maritimes. La durée moyenne de perception de cette allocation est de 349 jours. Son montant de 11,35 euros par jour et par personne. La dotation budgétaire inscrite au projet de loi de finances pour 2015 en vue du versement de l'aide temporaire d'attente est de 109,9 millions d'euros. Mais «sur la base d'une hypothèse de 25.400 bénéficiaires», une «hypothèse particulièrement optimiste», ironise Éric Ciotti, qui évoque une dotation «sous-budgétisée». En clair: le gouvernement mentirait à l'opinion sur le coût réel de cette dépense inévitable.
Les efforts réalisés sous Manuel Valls pour limiter la fraude à ce type de prestations sont pourtant couronnés de succès. En avril 2013, «près d'un bénéficiaire de l'aide temporaire d'attente (ATA) sur cinq la percevait indûment», tandis que l'on décèle aujourd'hui seulement «2 % de cas d'indus» parmi les quelque 42.000 bénéficiaires de cette aide, concède Éric Ciotti. Après la réforme Valls-Cazeneuve sur l'asile, des critères d'attribution de l'aide temporaire d'attente plus rigoureux seront mis en place. Ce qui pourrait permettre «une économie potentielle de 11 millions d'euros en année pleine», assure le ministère de l'Intérieur.