ASSASSINATS DU COTE DES MECHANTS

 

 
Une guerre d'une espécifité espagnole, bien espagnole et uniquement espagnole
Une guerre du "Savoir "contre l'Avoir"
Une guerre pour la conquête du pouvoir
Une guerre d'athés contre croyants,
de sectarisme contre sectarisme
d'intolérance contre intolérance par espagnols interposé
s

        Dès le début, deux Espagnes différentes vont apparaître. Dans toute la partie gagnée par les " Nationalistes ", les revanchards vont s'en donner à cœur joie. Toute la haine accumulée durant les dernières années va exploser.

     Les juges, les fonctionnaires vont subir un examen. Leur sympathie doit aller vers la droite, voire même l'extrême droite ; la justice n'est plus appliquée comme à l'ordinaire, sinon par décrets suivant la loi martiale. Tous les partis politiques ayant soutenu le Front populaire sont interdits, mais de fait, ils vont tous disparaître, même la CEDA, et il n'y aura plus aucune activité politique. Sans même qu'il soit nécessaire de l'organiser, il s'exerce une pression intolérable sur les civils qui ne sont pas engagés. Tout comme dans ce que j'appelle l'intolérance imbécile, on trouve vite un slogan : -" Ceux qui ne portent pas l'uniforme devraient porter des jupes "- dit-on et, quand on connaît le caractère viril des espagnols de cette époque, c'était l'insulte suprême. Les " casas del pueblo " et les journaux de gauche sont interdits, mais cette mesure n'est guère nécessaire, la peur fait le reste. Les grévistes (s'il y en avait eu) sont passibles de la peine de mort et tout grand déplacement privé est prohibé. On arrête les francs-maçons, les gouverneurs civils et leurs proches collaborateurs, les syndicalistes, les membres de partis politiques et tous ceux qui avaient notoirement voté à gauche, souvent accompagnés de leurs femmes et leurs enfants. Beaucoup d'entre eux sont fusillés, mais les chiffres varient d'une façon tellement incroyable suivant les sources, que des historiens finiront par se servir des recensements d'avant et après la guerre pour déterminer le nombre de morts. Ils varient d'ailleurs beaucoup d'une région, d'une ville à l'autre, suivant la plus ou moins bonne volonté des autorités locales. Les auteurs du " movimiento " ne cherchent ni à contrôler ni à interdire toutes ces exécutions sommaires et d'une brutalité inouïe. On trouve des explications à cette sauvagerie : bien que mieux armés ils sont moins nombreux que leurs adversaires et il leur faut faire régner la terreur la plus extrême pour ne pas être inquiétés par leurs arrières. Et, si les exécutions se font en général la nuit, les corps des victimes sont exposés au public pendant plusieurs jours ou restent sur place faute d'être réclamés par les familles terrorisées. Au bout d'un certain temps cette pratique cessera quand même, mais les arrestations se poursuivront jour après jour et il arrivait que les prisonniers se demandent de quel crime on pouvait les accuser.

J'ai entendu raconter, et je suis convaincu que c'était la vérité, que l'on assassinait son voisin pour un bout de terrain que l'on convoitait et qu'il s'était refusé à vendre ; on faisait tondre la tête d'une jeune fille et balayer les rues ensuite, parce qu'elle avait refusé une danse quelque temps auparavant. On supprimait un concurrent, un rival, on menaçait de mort pour le moindre petit prétexte.

Il y a eu de nombreux récits qui ne pourront jamais être vérifiés, parce que tout le monde préfère les oublier, où l'on aurait obligé les victimes à creuser leurs propres tombes ; des femmes de miliciens qui eurent les seins coupés après avoir été violées. On a prétendu que des prisonniers furent arrosés d'essence avant d'être brûlés. On raconte des cas, en Andalousie, où les petites amies de falangistes étaient autorisées, de temps en temps, à tuer un prisonnier histoire de faire un carton ! .

Un grand nombre d'officiers qui sont restés fidèle au gouvernement, vont être exécutés. Les plus nommés sont les Généraux MOLERO, de Valladolid ; BATET, de Burgos ; ROMERALES, de Mellilla ; SALCEDO et CARIDAD PITA, de la Corogne et CAMPINS de Grenade ainsi que l'amiral AZAROLO du Ferrol.

On trouve dans le "QUID" un chiffre que je n'ai trouvé nulle part ailleurs, mais qui a dû être vérifié avant sa publication : six mille instituteurs auraient été exécutés entre 1936 à 1938. A la fin de la guerre, deux mille autres préféreront l'exil.

Dans la classe ouvrière la panique règne. Nombreux de ceux qui ont été affiliés à un parti politique ou un syndicat tentent de se faire inscrire à la falange pour essayer d'échapper au massacre, et ils craignaient surtout pour leur famille. Pratiquement tous ceux qui seront découverts seront " punis ", certains massacrés.

Pour asseoir leur légitimité et faire régner l'ordre, les nationalistes ont besoin du soutien de l'Eglise. Vu le massacre qu'elle subit du côté de la République, ce n'est guère compliqué et seul le clergé basque (qui lui, est épargné par les Républicains) s'y oppose. Mais de nombreux prêtres et moines vont soutenir la République et d'autres seront écœurés que l'on massacre autant de gens " au nom du Christ " . On cite, entre autres, le cas de deux moines qui se plaignirent à QUEIPO DE LLANO du massacre de pauvres gens dont la plus grave " faute " était leur manque de culture ; celui du curé de CARMONA en Andalousie qui aurait été fusillé par la falange pour avoir protesté pour les mêmes raisons.

Cette falange d'ailleurs, se découvre brusquement une grande ferveur religieuse, ce qui n'avait pas été le cas auparavant. Elle va rendre obligatoire pour toutes ses troupes, la messe, la confession et la communion et sa propagande présente le falangiste mi-moine, mi-guerrier et la falangiste comme un mélange de sainte Thérèse d'Avila et d'Isabelle la Catholique.

Il y a quelques ecclésiastiques qui s'enrôlent dans l'armée, mais des cas comme celui d'un curé Estremadure seront heureusement très rares. Ce prêtre aurait obligé quatre miliciens et une jeune fille blessée à creuser leurs propres tombes avant de les enterrer vivants. A Badajoz, ce même prêtre aurait trouvé un milicien caché dans un confessionnal de la cathédrale et l'aurait abattu lui-même d'un coup de revolver.

Et si tout cela ne suffisait pas, le Service de Propagande du KOMINTERN notamment par l'intermédiaire du Tchèque OTTO KATZ, se charge de l'amplifier ou d'en inventer d'autres pour faire monter la haine du côté Républicain.

Personne, à ce moment n'a une pensée de pitié pour les victimes. Personne ne pense aux représailles qui pourraient s'exercer sur les amis ou parents restés dans l'autre Espagne. On rapporte que MOLA aurait répondu au docteur JUNOD de la Croix Rouge qui lui proposait d'échanger des prisonniers : -" Comment pouvez-vous imaginer que nous échangions un " caballero " contre un chien rouge ? D'ailleurs, si je laissais partir des prisonniers, mon peuple me considérerait comme un traître " -. Puis -" Vous arrivez trop tard, monsieur, ces chiens ont déjà supprimé les plus glorieuses valeurs spirituelles de notre pays " .

Voici un passage intégral du livre de Hugh Thomas "La guerre d'Espagne" :

Il est impossible de se procurer des chiffres exacts en ce qui concerne le nombre de gens qui furent tués par les Nationalistes pendant les premiers jours de la rébellion, soit dans les combats de rues, soit par exécutions sommaires. Les républicains ont indiqué des chiffres très élevés. RAMON SENDER a parlé de 750.000 exécutions en Espagne nationaliste jusqu'au milieu de 1938. Le Conseil de l'Ordre des Avocats de Madrid a déclaré que, dans les premières semaines de la guerre, 9 000 travailleurs furent tués à Séville (20 000 vers la fin de 1937), 2 000 à Saragosse, 5 000 à Grenade, 7 000 dans toute la Navarre et 400 à Algésiras. Un député catholique et le directeur du collège catholique anglais de Valladolid ont témoigné séparément de la mort de 9 000 personnes dans leur ville. D'après BERNANOS, il y eut 3 000 assassinats à Majorque de juillet 1936 à mars 1937. Une jeune stagiaire de l'indiscrète presse portugaise, dont les reporters en Espagne furent réellement terrifiés par ces atrocités, estime qu'il y avait eu 200 000 exécutions chez les Nationalistes avant juillet 1937. ANTONIO BAHAMONDE qui fut, pendant un an, chef de la propagande de QUEIPO DE LLANO à Séville (et qui s'enfuit à l'étranger, écœuré du travail qu'il faisait), évaluait à 150 000, le nombre des gens qui avaient été exécutés dans la zone militaire contrôlée par son ancien patron.

Mais il semble que tous ces chiffres ont été largement exagérés. Les républicains qui ont vécu en Espagne Nationaliste, soit prisonniers, soit libres, ont tendance à surévaluer le nombre d'exécutions; ils ne le font pas toujours par parti pris, mais le souvenir de ces tueries nocturnes englobant jusqu'à vingt morts à la fois peut s'être amplifié dans leur imagination. Alors que l'ordre des avocats de Madrid estimait à 7 000 les exécutions en Navarre pendant le premier mois de la guerre, l'évêque de Vitoria (qui fut déplacé par les Nationalistes) citait un chiffre de 7 000 tués, en Navarre, Biscaye, et Alava, pendant toute la guerre. Les autorités nationalistes elles-mêmes n'ont publié aucun chiffre quant aux morts dues à leur action sur le champ de bataille. Mais, en examinant minutieusement les maigres témoignages rassemblés, on arrive à un chiffre approximatif vraisemblable de 40 000 exécutions par les Nationalistes pour toute la guerre. Ce nombre comprendrait les personnes abattues arbitrairement après leur arrestation au début de la guerre, celles exécutées après avoir été jugées, et de nombreux tués au cours de combats de rues en règle (et non des guet-apens). Fin de citation.

Un des morts les plus célèbres restera, sans aucun doute, FEDERICO GARCIA LORCA. Les intellectuels et les médias s'identifiant un peu à lui, lui feront traverser la nuit des temps en grand poète victime du sectarisme, de l'intolérance et l'obscurantisme. Il y a eu plusieurs versions sur les circonstances de sa mort. Il avait beaucoup d'amis chez les intellectuels de gauche ; il avait aussi un beau-frère qui était maire socialiste de Grenade. Après la victoire des Nationalistes sur cette ville, GARCIA LORCA se serait réfugié chez un de ses amis qui avait des proches dans la falange, espérant ainsi trouver une petite protection. Il est possible qu'il ait quand même été abattu par des falangistes, mais d'autres prétendent que ce serait des gardes civils auxquels il n'aurait pas fait de cadeau dans ses ouvrages . D'autres encore, qu'il aurait été tué au cours d'une bagarre, alors qu'il était allé voir des gitanes comme il en avait l'habitude. Les falangistes, montrés du doigt, accusèrent un député "catholique" RUIZ ALONSO d'avoir ordonné sa mort en représailles de la mort d'un auteur dramatique BENAVENTE que les Républicains avaient assassiné. Mais la version qui, paraît-il est la plus plausible est qu'il aurait été assassiné par vengeance et par jalousie par un poète falangiste. voir Personnages G

On a beaucoup dit que ce furent des éléments de la classe ouvrière qui firent le plus couler le sang de leurs " camarades " et qu'ils tuaient pour le plaisir de tuer. Il n'y là a rien d'étonnant et on retrouve ce phénomène dans de nombreuses occasions et dans tous les pays


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