Résultats des élections de 1933


Le temps des illusions est passé et vers le milieu de 1933 on constate un retour de l'opinion vers des idées plus réalistes.

Les élections municipales du mois d'avril 1933 donnent 5000 conseillers à la Gauche, 4200 aux Radicaux conduits par LERROUX et qui sont dans l'opposition et 4900 à la Droite.

AZAÑA est forcé de démissionner le 12 septembre. Alejandro LERROUX le radical du Centre lui succède mais n'a pas de majorité suffisante et le 12 octobre il est déjà remplacé par MARTINEZ BARRIO.

MARTINEZ BARRIO trente troisième degré de la maçonnerie est, à ce moment, un vrai démocrate, modéré et sincère. Il se rend bien compte que les choses sont allées trop loin. Il veut une confirmation grandeur nature ; il organise des élections générales.

La gauche va à ces élections tout à fait confiante. Oubliant toutes celles qui ont indisposé, elle est fière de toutes les bonnes réformes qu 'elle a mises en place et qui rattrapent des dizaines d' années de retard. En plus de l' Enseignement et la Réforme Agraire que nous avons déjà vu, elle a réformé le travail forcé, les loyers des collectivités, les juridictions arbitrales mixtes, les contrats de travail, les droits de la femme et le recrutement des fonctionnaires. (Pour cette dernière, je serais plus prudent : L' expérience m' appris qu'à chaque fois qu'il y a une alternance, on recrute suivant la couleur politique du moment et ce, dans quelque pays que ce soit)
Elle oublie aussi le principal: le climat de guerre civile dans lequel se trouve le Pays; l' atmosphère créée par les attentats, crimes, grèves, bagarres de rues, entre syndicats etc.. -et j'en passe- quotidiens.
Entre 1931 et 1933 il y avait eu 280 morts.

Le monde, avec sa mémoire sélective, a complètement oublié le résultat de ces élections. Il est impressionnant! Et il est impressionnant à plusieurs titres.

La droite qui se terrait, prise de panique deux ans plus tôt, hébétée par l'explosion de joie de tout le pays pour cause de victoire de la gauche, obtenait 5.300.000 voix contre 3.000.000 à la gauche.

Le parti d'AZAÑA, l'ACCION REPUBLICANA ne remporte que 8 sièges et tout l'ensemble de la gauche 99.
Les centres 167, (dont 104 pour le Parti Radical de LERROUX devenu modéré)
La droite en obtient 207.
Les Agrariens qui défendaient les intérêts des producteurs de blé et d'olives obtiennent 86 sièges.

Mais les plus nombreux étaient les membres de la C.E.D.A (Confédération espagnole des droites autonomes) un parti "catholique".
Quand Alphonse XIII était parti, l'Espagne entière avait fait la " fiesta ". Je me souviens avoir entendu mes parents raconter que, des camions chargés de gens jusqu'au dessus des cabines et sur les pare-chocs, étaient partis vers Saragosse, agitant des drapeaux, riant et pleurant en même temps. Tous ces gens-là avaient cru que leurs conditions de vie allaient changer du jour au lendemain. Un immense espoir était né dans toutes ces personnes pliées sur leurs terres comme un prisonnier est enchaîné à un mur. Le chant des sirènes et le vent de la démagogie étaient passés par-là. Qu'en restait-il ?
Avec ces élections on peut se rendre compte combien nous sommes malléables et combien nous sommes manipulés. Deux ans et demi après le pays avait-il changé à ce point ?

On a dit que la gauche avait perdu ces élections à cause du vote des femmes.J'en suis persuadé,même s'il y en avaient bien d'autres! Au risque de me répéter, les femmes subissaient une pression beaucoup moins forte et l'intolérance faisait moins de ravage que sur les hommes. En plus dans cette Espagne qu'on appelle maintenant machiste, l'homme qui n'arrivait pas à nourrir sa famille, se considérait déshonoré. Les femmes restaient au foyer et là le sectarisme, l'intolérance les atteignait beaucoup moins.
Et il y avait aussi le mode de scrutin et le jeu des alliances qui avait fait que, les socialistes avec 1.722.000 voix n'avaient eu que 58 sièges, alors que les radicaux avec 700.000 en avaient eu 104.

le Roi parti, la place était libre. Les ambitions s'étaient réveillées. La soif de pouvoir agite les classes dominantes. Cette fois le chant des sirènes et le vent de la démagogie viennent de partout.

Jose-Maria GIL ROBLES, jeune avocat qui avait travaillé au journal EL DEBATE a pris la tête de la C.E.D.A. Jose-Antonio PRIMO DE RIVERA commence à créer un parti qu'il appelle lui-même fasciste et qui deviendrait la FALANGE. Lui aussi s'affirme résolument "catholique"
Onesimo REDONDO et Ramiro LEDESMA RAMOS admirateurs de Hitler vont créer la J.O.N.S. (junte d'offensif national syndicaliste)

Andres NIN a suivi TROSKY plutôt que STALINE le parti communiste n'a pas encore vraiment de chef désigné. Le Komintern a simplement envoyé un " instructeur " d'origine italienne Vittorio CODEVILLA.

Ne sont cités ici que les principaux partis ou groupements, il y en a d'autres. Il y en a aussi d'autres plus ou moins secrets, dont la F.A.I. et des groupements monarchistes. Et il ne faut surtout pas oublier les principaux syndicats : la C.N.T. la centrale syndicale anarchiste et la U.G.T. syndicat socialiste qui sont presque toujours en opposition, pour ne pas dire en guerre entre eux.

Tous ces gens ont le même langage, presque les même slogans. Tous ont dans leurs discours, dans leurs programmes, les mêmes mots de justice, liberté, défense des opprimés. Tous croient, ou feignent de croire, qu'il n'y a qu'eux qui détiennent la vérité ; eux seuls apporteront le bonheur à cette population qui ne demande qu'à les croire (mais ne voit rien venir).

C'est cela la démocratie. On se souvient brusquement que l'on a besoin de votes. Un vote de pauvre vaut un vote et le vote d'un riche ne vaut pas plus qu'un vote de pauvre... Les pauvres sont plus nombreux, alors on les caresse dans le sens du poil.

ABEL a le temps de réfléchir... CAÏN pendant ce temps travaille !

Mais la démocratie, existe-t-elle ? Non! Puisqu'il y a des bons votes et il y a des mauvais votes

Consternée la gauche n'accepte pas le verdict des urnes.
(Selon des auteurs, Azaña malgré ses 8 députés élus, ne se sentit pas un seul instant désavoué, il serait allé voir le Président de la République et lui aurait demandé de ne pas convoquer les nouveaux élus, d'annuler ces élections et d'en organiser d'autres. Celui qui avait participé au coup d'Etat raté contre le Roi en décembre 1930, tentait d'en faire un autre. Mais Alcala Zamora et le chef du gouvernement  Martinez Barrio ne cèdèrent pas a ses pressions *).
La peur du fascisme étant sa justification, elle lance ses troupes dans d'incessantes grèves politiques, (Socrates GOMEZ le confirmera dans un reportage sur Arte à la Télévision) -" Nous faisions des grèves qui n'avaient aucun lien avec des revendications de type salarial; nous avions peur d'une récession en matière de libertés et nous ne pouvions pas l'accepter"- La CNT ("anarchistes") et la UGT (socialistes) pour une fois unis, oublient leurs morts réciproques et se lancent dans une lutte commune contre la droite.

Trois ans plus tard, la guerre civile éclate

*Ce qui ne l'empêchera pas de recommencer en juin /juillet 1934 avec un nouvel échec

sommaire